2011
PRINTEMPS ARABES ET RÉVOLTES EN CASCADE
10 janvier. La secrétaire d’État Hillary Clinton entame son « WikiLeaks Apology Tour », grande tournée d’excuses dans le monde arabe après les révélations de WikiLeaks. Le régime de Ben Ali est renversé quatre jours après sa visite en Tunisie.
16 janvier. À la suite des révélations de 2008, Rudolf Elmer, ancien directeur de la filiale de la banque suisse Julius Bär aux îles Caïmans, remet de nouveaux documents à WikiLeaks indiquant des évasions fiscales massives liées à des personnes et institutions bancaires détenant des comptes offshore 33.
28 janvier. Diffusion par WikiLeaks des câbles de Margaret Scobey, ambassadrice des États-Unis en Égypte alors que, trois jours plus tôt, des manifestants ont envahi la place Tahrir. Ces documents font référence aux violences policières et à la pression exercée par le ministère de l’Intérieur égyptien sur la justice. De 2005 à 2010, les rapports US concluent : « La torture et la brutalité policière sont endémiques et généralisées. »
11 février. Après trente-deux ans à la tête de l’Égypte, le président Hosni Moubarak démissionne, remet le pouvoir à l’armée et s’enfuit.
Selon plusieurs observateurs, les révélations de WikiLeaks ont joué un rôle dans le déclenchement des « Printemps arabes » et les révoltes en cascade au Yémen, en Libye, en Syrie, à Barheïn, en Irak, en Jordanie, au Maroc, au Soudan, en Arabie saoudite, etc.
Les informations issues des fuites de Manning ont été citées dans les mouvements de protestation qui ont embrasé les places cette année-là, des Indignados en Espagne à Occupy aux États-Unis.
JULIAN ASSANGE SOUS CONTRÔLE…MAIS PAS TOUT À FAIT
Février. Dans leur livre WikiLeaks. Inside Julian Assange’s War on Secrecy (Guardian Books), David Leigh et Luke Harding, journalistes au Guardian, rendent public le mot de passe confié par Assange permettant d’accéder aux 250 000 câbles diplomatiques non expurgés 34.
3 juillet. Toujours assigné à résidence et sous contrôle judiciaire au Royaume-Uni, Assange fête ses quarante ans dans le manoir de Norfolk où il est hébergé par un ami.
L’audience en extradition présente les contre-arguments de la procureure Clare Montgomery, ancienne avocate d’Augusto Pinochet.
Août. Prétextant une attaque des bases de données du gouvernement islandais par WikiLeaks, huit agents du FBI sont envoyés d’urgence sur place pour enquêter 35.
Face à la campagne de diffamation dont Assange fait l’objet, Daniel Ellsberg prend sa défense : « Des gens disent qu’il est paranoïaque ou déraisonnable, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne veulent pas l’attraper. »
26 août. Devant le risque que les documents du « Cablegate » auxquels David Leigh et Luke Harding du Guardian ont donné accès soient diffusés dans une version non expurgée, WikiLeaks tente de prévenir la secrétaire d’État Hillary Clinton, en vain 36.
2 septembre. Sachant que l’hebdomadaire allemand Der Freitag avait en sa possession l’intégralité des 250 000 documents du « Cablegate » et était sur le point de les rendre publics, WikiLeaks décide de les publier en l’état afin que les personnes potentiellement en danger l’apprennent au plus vite ; si plusieurs d’entre elles ont dû quitter leur poste de travail aussitôt leur identité dévoilée, aucune conséquence plus grave n’a été signalée – y compris lors des audiences d’extradition en 2020. Cette décision va pourtant renforcer les accusations d’irresponsabilité portées contre le fondateur de WikiLeaks.
24 octobre. WikiLeaks suspend officiellement ses activités éditoriales et se mobilise pour contrer un blocus financier orchestré par Visa, MasterCard, Bank of America, PayPal et Western Union. Selon Assange, depuis décembre 2010, ce blocus a détruit 95 % des revenus de l’organisation. La parade de WikiLeaks est d’utiliser le Bitcoin et d’autres monnaies électroniques anonymes.
2 novembre. La Haute Cour de Londres confirme l’extradition d’Assange vers la Suède. Sa défense conteste la légalité du mandat d’arrêt européen et intente un recours devant la Cour suprême.
33. Ed Vulliamy, « Swiss whistleblower Rudolf Elmer plans to hand over offshore banking secrets of the rich and famous to WikiLeaks », The Guardian, 16 janvier 2011 ; voir le documentaire de David Leloup, A Leak in Paradise, Domino Production, 2016, en VOD sur cinemutins.com.
34. Lire également « Le Monde soutient Julian Assange… », supra, p. 153.
35. David Carr et Ravi Somaiya, « Assange, back in news, never left U.S. radar », The New York Times, 24 juin 2013.
36. Voir le documentaire de Laura Poitras, Risk, Praxis film, 2016.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur © Hacking Justice (Livre + Film en téléchargement)