2013
8 avril. Depuis l’ambassade d’Équateur, Assange annonce la publication par WikiLeaks de plus de 1,7 million de documents secrets de la diplomatie US concernant la période 1973-1976. Il ne s’agit pas de fuites. Ceux-ci sont en effet consultables aux archives nationales des États-Unis (NARA), mais ils incluent la correspondance du secrétaire d’État de cette période, les « Kissinger Cables », qui confirment les critiques souvent émises par des personnalités comme Noam Chomsky et William Blum qui étaient calomniées à l’époque par la presse officielle.
L’encyclopédie coopérative en ligne Wikipédia retient cette citation prémonitoire de Henry Kissinger : « L’illégal, on le fait maintenant ; l’inconstitutionnel prend un peu plus de temps. »
Pour WikiLeaks, sa plus massive publication en ligne « montre l’implication américaine dans les dictatures fascistes, particulièrement en Amérique latine, sous l’Espagne de Franco et sous la dictature des colonels en Grèce ».
L’EXFILTRATION D’EDWARD SNOWDEN
Juin. Analyste de la CIA et de la NSA, Edward Snowden, 29 ans, révèle les programmes de surveillance de masse des États-Unis sur les télécommunications, à domicile comme à l’étranger, avec la complicité de leurs alliés : Grande-Bretagne, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande. À partir du 5 juin, depuis l’hôtel où il s’est caché à Hong Kong, Snowden dévoile son identité et publie ces révélations par l’intermédiaire du journaliste du Guardian Glenn Greenwald 41. Ces 1,5 million de documents secret-défense, exfiltrés à l’aide d’une clef USB cachée dans un Rubik’s Cube, ébranlent tout le système de surveillance mondial et écorne l’image du président Obama fraîchement réélu. On découvre aussi que Julian Assange est une cible prioritaire, aux côtés de terroristes et de trafiquants de drogue internationaux.
Snowden, dont le portrait est diffusé partout dans le monde, devient à son tour une cible majeure des services US. Pourtant, loin des idées libertaires d’Assange mais révolté par l’ampleur et l’illégitimité de l’espionnage, Snowden, issu d’une famille de militaires, se présente comme un patriote 42. Dès que son identité est rendue publique, Snowden est soutenu par WikiLeaks, qui lance vingt-et-une demandes d’asile politique : France, Islande, Cuba, Venezuela, Brésil, Inde, Chine, Allemagne, Autriche, Bolivie, Finlande, Italie, Irlande, Pays-Bas, Nicaragua, Norvège, Pologne, Espagne, Russie, Équateur et Suisse. Toutes sont refusées.
Juillet. Sarah Harrison, no 2 de WikiLeaks, a rejoint Snowden à Hong Kong pour l’aider à échapper à la traque lancée par Washington. Après un parcours rocambolesque, il trouve finalement asile en Russie. La rumeur de sa dissimulation dans l’avion du président bolivien Evo Morales provoque un incident diplomatique : sous pression de Washington, la France et l’Italie lui refusant l’autorisation d’emprunter leur espace aérien, l’avion présidentiel est contraint d’atterrir à Vienne, où il sera fouillé…
ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES
21 août. Bradley Manning est condamné à trente-cinq ans de prison pour espionnage. Dans un communiqué transmis par son avocat, il affirme son espoir d’être gracié et fait part de son intention d’entamer une thérapie hormonale pour changer de sexe. Son nom sera désormais Chelsea Manning.
41. Voir le documentaire de Laura Poitras, Citizenfour, Praxis Films, 2014, disponible en VOD sur cinemutins.com.
42. Voir le documentaire de Flore Vasseur, Meeting Snowden, Zadig production, 2017, disponible en VOD sur cinemutins.com. Lire Edward Snowden, Mémoires vives, Seuil, 2019.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur © Hacking Justice (Livre + Film en téléchargement)