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JULIAN ASSANGE ET WIKILEAKS CHRONOLOGIE 1971-2021

Cette publication est extraite de la première version du livre accompagnant le coffret DVD « Hacking Justice » diffusé par Les Mutins de Pangée.

Chronologie établie par Olivier Azam à partir des sources croisées et citées en notes.
Merci à Viktor Dedaj pour son suivi, ses alertes, les publications sur Le Grand Soir et les précisions qu’ils nous a apportées à la relecture de cette chronologie.
WikiLeaks a tant révélé d’informations que nous avons dû faire un choix – mais l’ensemble est disponible sur wikileaks.org.
En complément, nous vous invitons à consulter « Julian Assange, une vie », un récit de Delphine Noels avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir – que nous tenons particulièrement à remercier.
Malgré toute notre attention, des erreurs ont pu se glisser dans ce texte mais nous renvoyons nos lecteurs aux sources fournies.
Cette chronologie sera mise à jour, aussi régulièrement que possible, sur le site des Mutins de Pangée (lesmutins.org) – merci de nous écrire à contact@lesmutins.org.

JULIAN ASSANGE ET WIKILEAKS
CHRONOLOGIE 1971-2021

« MENDAX »

1971

3 juillet. Naissance de Julian Assange à Townsville, en Australie. Pendant des années, sa mère, Christine Ann Hawkins, fuit un mari (qui n’est pas le père de Julian), harceleur et membre d’une secte, déménageant régulièrement avec ses deux enfants. Cette vie d’errance et de semi-clandestinité à travers l’Australie conduit Julian à fréquenter trente-sept écoles. Sa mère lui offre un des premiers micro-ordinateurs personnels, un Commodore 64, auquel il branche bientôt un des premiers modems. En ces temps où l’informatique n’est pas encore grand public, il faut savoir programmer pour faire fonctionner un ordinateur, ce qu’apprend vite Julian. Sous le pseudonyme de « Mendax », il commence à fréquenter d’autres jeunes passionnés qui communiquent avec des modems via les réseaux de télécommunications alors réservés aux grandes entreprises privées, à l’État et à l’armée.

1980

— C’est la décennie de la saga des pionniers du « hacking », pour la plupart des adolescents, dont le jeune Mendax fait partie 1. Ces jeunes « pirates » se prennent au jeu du hacking – qui n’est pas encore illégal – et pénètrent régulièrement les réseaux – pas encore protégés – des grandes entreprises, de la Nasa, de l’armée américaine, de la Citibank, etc.
À dix-huit ans, Assange épouse une jeune fille de seize ans – elle accouchera deux ans plus tard de leur fils. Avec le dépôt, en mars 1989, du World Wide Web (www), le britannique Tim Berners-Lee ouvre l’Internet grand public. Mendax est alors déjà un hacker respecté dans sa communauté.

1989

16 octobre. Alors que la navette Atlantis s’apprête à décoller avec la sonde spatiale Galileo et que des manifestants protestent devant le site contre l’utilisation d’un propulseur nucléaire, les techniciens de la Nasa découvrent sur leurs écrans un message énigmatique : « Worms Against Nuclear Killers – Your System Has Been Officially WANKed… 2 » Infestant tous les réseaux de la Nasa ces « vers informatiques » semblent détruire tous les systèmes connectés, jusqu’au département de l’Énergie aux États-Unis, en Suisse, au Japon. C’est la panique. Jusqu’à ce que les dossiers réapparaissent comme par miracle… Ce n’était qu’un message. Les hackers n’ont rien cassé, le décollage de la sonde a eu lieu. Deux hackers de dix-huit et vingt ans seront arrêtés (l’un s’étant vanté de ses exploits) et seront condamnés à des travaux d’intérêt général.
Ils sont membres du réseau Realm, dans lequel on retrouve Assange, mais dont l’implication n’est pas connue dans ce hacking historique, qualifié par la presse américaine d’« Electronic Pearl Harbor » 3.

1991

— Avec deux amis, Assange fonde « The International Subversives », un groupe secret de hackers plus politisés que Realm. Il crée le programme Sycophant, qui permet de craquer les mots de passe des ordinateurs.

En reliant des ordinateurs entre eux à travers le réseau mondial, les jeunes hackers pénètrent notamment dans les systèmes de la Citibank, du Pentagone, de l’US Navy, de l’US Air Force, du laboratoire nucléaire de Los Alamos et du NIC (US Department of Defense Network Information Center), le plus important réseau d’Internet. Ils se comportent en visiteurs, n’interviennent que pour effacer leurs traces et ne cherchent pas non plus à en tirer profit (en accord avec leur éthique) : ils sont curieux, ils apprennent. En accédant aux documents secrets de ces réseaux, Assange se forge la conviction que la mise en lumière de ce que cachent les gouvernants est la clef de toutes les luttes politiques.

À cette période, le domicile de sa mère est perquisitionné par la police un jour où il est absent.

Octobre. Après s’être introduit dans le réseau informatique de la société canadienne de télécommunications Nortel (une des plus importantes du monde), Mendax commet une erreur et se fait repérer. Les jeunes hackers laissent un message aux informaticiens : « Nous nous sommes bien amusés dans votre système. Nous n’avons rien endommagé et nous nous sommes même permis d’améliorer deux ou trois choses. S’il vous plaît, ne téléphonez pas à la police… »
Ses amis et lui sont arrêtés. Alors qu’il est dévasté par le départ de sa compagne et de leur fils, Assange subit une perquisition chez lui, où sont saisies les disquettes contenant les archives de ses actions. (Fasciné depuis son plus jeune âge par les abeilles et leur mode d’organisation, Assange protège habituellement ses disquettes en les dissimulant dans une ruche d’abeilles dressées à son odeur.) C’est le début d’une première et longue procédure juridique à son encontre.

1992

Assange fait quelques séjours à l’hôpital pour dépression, passe des nuits dans des parcs, erre dans les bois… Lisant énormément, il construit peu à peu sa pensée critique sur les gouvernants. Il revient à la « civilisation » en préparant son procès et en coopérant à une enquête de police pour démanteler un réseau pédophile sur Internet.

1993

— Assange participe à Suburbia Public Access Network, un fournisseur d’accès à Internet grand public australien, l’un des tout premiers au monde.

1993-1995

— Fréquentant de nombreux groupes militants, qui utilisent ces services, Assange comprend l’importance du rôle que les « hacktivistes » vont jouer. Il crée des logiciels libres et contribue à des développements.

1996

5 décembre. Après cinq ans d’instruction, Assange plaide coupable pour l’intrusion dans le réseau informatique de Nortel. Il évite la prison ferme mais écope d’une amende de 2 300 dollars et doit s’engager à renoncer définitivement au hacking. Face au verdict, il crie à l’injustice.

1997

— Assange invente le logiciel Rubberhose, qu’il conçoit comme « un outil au service des personnes oeuvrant en faveur des droits humains et qui ont besoin de protéger des données sensibles dans ce domaine ».

LES CYPHERPUNKS

1998-2000

— Création par Assange d’Earthmen Technology, une entreprise de sécurité informatique – dont il se lasse vite. Pendant deux ans, il voyage à travers le monde, rencontrant des membres des Cypherpunks, qui constitueront un précieux réseau pour WikiLeaks et dont il adopte la philosophie : « Vie privée pour les plus faibles, transparence pour les puissants ».

Ces « hacktivistes » sont convaincus que le développement d’Internet va entraîner un déséquilibre entre les pouvoirs publics et les citoyens : au nom de la sauvegarde des libertés individuelles, les hacktivistes se préparent à la lutte pour le chiffrement des données et la création de logiciels libres. Alors que cette prise de conscience est encore embryonnaire, États et grosses entreprises lancent un peu partout des attaques judiciaires.

1999

— Assange dépose à San Francisco le nom de domaine leaks.org.

29-30 novembre. Le contre-sommet de Seattle (États-Unis), lancé par des militants face à la troisième conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), inaugure le basculement vers le xxie siècle avec le slogan « Un autre monde est possible ! », porté par des millions de progressistes de par le monde, dont l’optimisme accompagne les rêves d’un Internet libre et de médias alternatifs.

2000

11, 12 et 13 septembre. Le Forum économique mondial à Melbourne (Australie) donne à Assange l’occasion de poursuivre ses contacts avec les milieux altermondialistes.

2003-2006

À Melbourne, Assange étudie les mathématiques, la physique, la philosophie et les neurosciences à l’université. Il ne passe aucun diplôme mais développe une réflexion sur un « journalisme scientifique » comme fournisseur d’informations brutes suivant la conviction qu’« on ne peut lutter contre les injustices qu’à partir du moment où elles sont révélées ».

FONDATION DE WIKILEAKS

2006

Octobre-décembre. En réponse à l’affaiblissement des médias traditionnels et à l’utilisation généralisée d’Internet, Assange fonde WikiLeaks avec une dizaine d’activistes et une poignée d’alliés dans le monde. Outil de publication en ligne, WikiLeaks permet notamment aux « lanceurs d’alerte » scandalisés par ce qu’ils voient et dont la révélation a un intérêt public de faire fuiter des documents secrets en protégeant leur identité par un système de cryptage des données. WikiLeaks se veut apolitique : il s’agit de s’attaquer aux « ennemis de la vérité », précise Assange.

Suivant un principe cher aux Cypherpunks, WikiLeaks oppose la « transparence des États » à la « vie privée des citoyens » et veut exposer les premiers et protéger les seconds en faisant de la cryptographie un « fondement de la liberté et de la démocratie ».

Avant de s’installer à Nairobi (Kenya), c’est dans un petit appartement parisien qu’Assange finalise, sur son ordinateur portable, le codage informatique de WikiLeaks. Son petit regret du moment : ne pas avoir été prêt pour la campagne présidentielle qui conduit Nicolas Sarkozy à l’Élysée.

Pour constituer un comité de soutien, Assange contacte Daniel Ellsberg, l’un des premiers « lanceurs d’alerte » pour avoir révélé au New York Times, en 1971, les 7 000 pages confidentielles des Pentagon Papers afin d’« informer le public américain qu’il avait été trompé sur la nature de la guerre du Vietnam » 4.

Dans sa quête, Assange compte sur le soutien de John Young, fondateur en 1996 du site Cryptome – qu’il tient pour son « mentor » et dont il s’est inspiré pour WikiLeaks. Après avoir impérieusement conseillé à Assange de travailler dans l’ombre, Young émet de nombreuses critiques sur le projet, dont il s’éloigne très vite en justifiant sa position par la publication de leur correspondance – notamment sur le financement de WikiLeaks qui envisageait un temps de faire appel au milliardaire George Soros.

2007

Août. Premier coup d’éclat de WikiLeaks : une affaire de corruption au Kenya qui éclabousse le président en place. Un rapport commandé à la société britannique Kroll Associates par le nouveau président Mwai Kibaki dévoilait un détournement, par son prédécesseur Daniel arap Moi, de plus de deux milliards de fonds publics blanchis à Londres, New York, en Afrique du Sud, en Australie. Soutenu par Daniel arap Moi dans la campagne de sa réélection, Mwai Kibaki enterre le dossier. Révélé par WikiLeaks, il fait la « une » du Guardian et modifie le cours des élections – à la satisfaction de Julian Assange pour qui ce basculement confirme que WikiLeaks peut jouer un rôle salutaire pour les démocraties 5.

PREMIÈRES RÉVÉLATIONS SUR LES ÉTATS-UNIS EN GUERRE

Novembre. Publication par WikiLeaks de « Camp Delta Standard Operating Procedures », un manuel de 238 pages sur le traitement par l’armée américaine des présumés terroristes de tous âges désignés par des numéros et détenus sur la base militaire de Guantánamo. Ce document répertorie les conditions de détention, les punitions et récompenses, les pratiques d’humiliation et les tortures pratiquées quotidiennement dans le camp au mépris des conventions internationales – le manuel explique aussi comment dissimuler les mauvais traitements à la Croix-Rouge.

Décembre. WikiLeaks reçoit le rapport classifié de l’armée américaine sur la bataille de Falloujah en Irak (2004), probablement la plus sanglante de cette guerre mais aussi l’une des moins documentées car interdite d’accès aux journalistes par les États-Unis. Ce document confirme le rôle de Donald Rumsfeld dans la propagande contre la résistance irakienne mais aussi l’utilisation de phosphore blanc par l’armée américaine – une arme chimique dont l’usage par Saddam Hussein avait été qualifiée de « crime de guerre » par les États-Unis.

Ces révélations passant quasiment inaperçues, Assange opte pour une coopération en amont avec les médias de masse.

Après cette période où Assange travaille presque seul à décrypter et contrôler les milliers de documents que reçoit WikiLeaks, il fait désormais équipe avec Daniel Domscheit-Berg, un informaticien allemand rencontré à Berlin.

RÉVÉLATIONS SUR TOUS LES FRONTS

2008

14 janvier. Malgré des moyens très précaires, WikiLeaks – qui a plus d’adresses courriel et de pseudonymes que de moyens et de collaborateurs (ils sont vraisemblablement deux) – révèle un système complexe de sociétés-écrans installées dans les îles Caïmans par Julius Bär, l’une des plus grandes banques privées suisses. Sur fond de crise des subprimes, le scandale est d’autant plus retentissant que Julius Bär compte parmi ses clients Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Jim Carrey et Céline Dion. L’agressivité des avocats de la banque pour retirer ces noms est telle qu’un avocat conseille à Assange de reculer « devant la puissance de ces gens ». WikiLeaks poursuit ses publications.

Février. À la suite d’une plainte déposée à San Francisco par les avocats de Julius Bär, un juge californien ferme le site. Le surgissement de plus de 200 sites miroirs révèle la puissance de WikiLeaks. Après dix jours de mobilisation des associations de défense de la liberté de la presse basées à San Francisco, le juge révise son jugement. La banque suisse retire sa plainte. Elle a dû repousser son entrée en bourse, ce qui lui a coûté des centaines de millions de dollars.

24 mars. Publication par WikiLeaks des « bibles secrètes de la Scientologie », où l’on découvre l’ampleur des réseaux de la secte, l’existence de punitions et d’« introspections » imposées aux membres, les pressions sur les opposants et les faveurs accordées aux donateurs fortunés.

Septembre. Publication par WikiLeaks du détournement par Sarah Palin (égérie du Tea Party) de sa messagerie privée pour masquer ses affaires politiques – ce qui est illégal aux États-Unis, où la correspondance des élus doit être archivée.

Octobre. Publication par WikiLeaks de la liste des membres du British National Party, qui défend l’« hégémonie de la race blanche ».

Décembre. Publication par WikiLeaks d’un rapport confidentiel de la South African Competition Commission sur les pratiques des cartels bancaires en Afrique du Sud.

2009

Février. Publication par WikiLeaks de 6 780 rapports commandés par le Congrès américain au Congressional Research Service (CRS) qui fonctionne avec un budget annuel de près de 100 millions de dollars et dont l’absence de transparence fait débat aux États-Unis. Ces documents révèlent les coulisses des élus à leurs électeurs, notamment sur les relations des États-Unis avec Israël ou encore des données sur l’effondrement financier de 2008.

5 mars. Assassinat à Nairobi de John Paul Oulu et d’Oscar Kamau Kingara, militants des droits humains impliqués dans la rédaction du rapport sur l’affaire de corruption au Kenya diffusé par WikiLeaks en 2007.

Juillet-août. Publication par WikiLeaks de la liste des emprunts douteux contractés par la principale banque islandaise, Kaupthing, avant son sauvetage à la suite de la crise des subprimes. Entre octobre 2008 et janvier 2009, la population avait protesté lors de la « Révolution des casseroles », le coût du sauvetage bancaire étant estimé à 45 000 euros par habitant. Le 1er août, alors que la principale chaîne de télévision islandaise (RÚV) s’apprête à diffuser l’enquête du journaliste Kristinn Hrafnsson sur le délit d’initié de Kaupthing, une décision de justice l’en empêche. La chaîne remplacera son journal télévisé par le sigle de WikiLeaks, renvoyant sur le site ceux qui veulent s’informer.

Septembre. WikiLeaks se procure le « rapport Minton », document sur Trafigura, multinationale hollandaise basée à Londres et spécialisée dans le transport de pétrole et de matières premières. Ce rapport prouve qu’en 2006, plutôt que de procéder au traitement prévu à Amsterdam, Trafigura a déversé des déchets toxiques dans des décharges d’Abidjan (Côte d’Ivoire). Enterré par la multinationale et révélé par WikiLeaks, ce rapport conclut que ces « économies » ont fait 108 000 victimes. Les médias britanniques reçoivent une « injonction secrète » de leur gouvernement leur interdisant de mentionner le rapport Minton. Après une action en justice que la BBC et le Guardian perdent, la mobilisation sur les réseaux sociaux impose la publication du rapport.

25 novembre. Publication par WikiLeaks de 570 000 messages issus des échanges sur pagers lors des attentats du 11 septembre 2001, dont ceux du Pentagone et de la police de New York. Ces documents bruts, qui rendent compte de l’état d’esprit des citoyens états-uniens et de l’émotion suscitée par ce drame, permettent de comprendre l’acceptation de la propagande de guerre et ses mensonges. « Nous espérons que [ces publications, précise WikiLeaks] permettront une compréhension plus nuancée de la façon dont cette tragédie et ses conséquences auraient pu être évitées 6. »

Pour exploiter ces centaines de milliers de messages, WikiLeaks met à disposition de ses lecteurs un moteur de recherche et un outil de tri par mots-clés 7.

Décembre. Lors d’une visite en Islande, où WikiLeaks est plébiscité depuis l’été, Assange propose de faire de ce pays un « paradis de l’information » (plutôt qu’un « paradis fiscal ») en établissant, à partir du meilleur des Constitutions en faveur de la liberté d’expression, un « package de lois » sur la protection des sources et des journalistes.

1996-2010

Le nombre de documents classés « secret-défense » aux États-Unis est passé de 5,6 à 92 millions 8 – notamment après le l1-Septembre, les agences gouvernementales (CIA, NSA, FBI) ayant été critiquées pour n’avoir pas assez communiqué entre elles 9.

2010

— En Islande, Julian Assange et Daniel Domscheit-Berg (le duo qui anime désormais WikiLeaks) réunissent en secret une dizaine de personnes dont le journaliste Kristinn Hrafnsson, la poète et députée Birgitta Jónsdóttir (une des fondatrices en 2012 du Parti pirate islandais) et Jacob Appelbaum, un des membres actifs du Tor Project (réseau auquel est adossé WikiLeaks) pour travailler sur le « paradis de l’information islandais » et sur une publication qui devrait avoir un certain impact, le « Projet B ».

COLLATERAL MURDER

18 mars. Un document classifié du contre-espionnage états-unien de 2008, qui qualifie WikiLeaks de « menace pour la sécurité informationnelle de l’armée américaine », préconise l’envoi de fausses fuites, une campagne de presse pour ruiner son image et le harcèlement juridique des lanceurs d’alerte et des membres de WikiLeaks.

5 avril. Présentation par Assange du fameux « Projet B » lors d’une conférence au Club de la presse de Washington. Cette vidéo de dix-sept minutes, intitulée « Collateral Murder » (Meurtre collatéral) et issue d’images prises le 12 juillet 2007 à Bagdad, montre des civils mitraillés à l’arme lourde depuis un hélicoptère de l’armée US intégrant les commentaires des soldats comme dans un jeu vidéo 10. Au moins dix-huit personnes sont tuées, dont deux journalistes de l’agence Reuters portant du matériel audiovisuel et le conducteur d’une camionnette venu porter secours aux premiers blessés – il emmenait ses deux enfants à l’école ; ceux-ci, sur la banquette arrière, seront gravement blessés 11.

Dans les trois jours qui suivent sa publication sur YouTube, cette vidéo sera vue par quatre millions de personnes.

La diffusion de « Collateral Murder » a un impact inédit sur WikiLeaks et sur son principal porte-parole, désormais exposé aux commentaires et aux menaces. La plupart des éditorialistes et des présentateurs des chaînes TV soutiennent la version officielle de l’armée états-unienne, mettant en doute l’authenticité de la vidéo, les documents fuités et discutant le choix du titre plutôt que de vérifier les faits, qui ne pourront pas être contestés bien longtemps.

Plus que jamais, Assange cherche à créer en Islande une « zone indépendante politiquement où les lanceurs d’alerte seraient considérés non comme des ennemis publics mais comme des héros, où les conseils juridiques seraient nombreux et gratuits et où l’accès à Internet serait universel 12 ».

7 avril. Alors que WikiLeaks récolte près de 200 000 dollars de dons en quelques semaines, Assange tweete : « Nouveau modèle économique pour le journalisme : essayez de faire votre boulot pour une fois. »

Juin. Création par le Pentagone d’une « WikiLeaks Task Force », dans laquelle 120 personnes travaillent en secret pour neutraliser et détruire WikiLeaks 13. Menacé de mort, Assange se replie en Australie avant de reparaître à Bruxelles où il rencontre des journalistes du quotidien britannique le Guardian.

Face à l’abondance de documents à traiter et malgré une méfiance réciproque, WikiLeaks décide de coopérer avec les grands quotidiens nationaux. Le but est d’obtenir du renfort pour le traitement de la masse de documents et de donner plus de poids aux révélations.

16 juin. Les députés islandais votent à l’unanimité le texte proposant de faire de leur île un « paradis de l’information » 14. Bien qu’il s’agisse d’un immense progrès, cette loi n’est pas encore à la hauteur des ambitions initiales. Si des avancées seront encore obtenues en 2013, elles restent insuffisantes aux yeux de l’instigatrice de cette campagne, Birgitta Jónsdóttir.

Fin juin. À Londres, Assange rejoint des journalistes du Guardian et un représentant du New York Times pour travailler sur la fuite de 91 731 rapports confidentiels de l’armée US sur l’Afghanistan réunis sous le titre « The Afghan War Diaries » (journaux de guerre afghans) et couvrant la période janvier 2004-décembre 2009.

7 juillet. Analyste de l’armée des États-Unis alors âgé de 22 ans, officiellement désigné comme la source de « Collateral Murder », Bradley Manning est mis aux arrêts dans une prison militaire au Koweit. Manning a été dénoncé par le hacker Adrian Lamo, qu’il avait choisi comme confident 15. Expliquant et revendiquant la signification de son acte, Manning a aussi confirmé que sa connaissance de la nature des documents divulgués lui permettait de s’assurer qu’ils ne mettaient aucun soldat en danger 16.

« LES CARNETS DE GUERRE AFGHANS »

25 juillet. Après un mois d’enquête et de vérification, le Guardian (en Angleterre) le New York Times (aux États-Unis) et le Spiegel (en Allemagne) publient conjointement leur analyse des « Afghan War Diaries ». Révélation des crimes de guerre des États-Unis et de leurs alliés extraite d’une banque de données de 91 000 documents, cette publication est « la plus grande fuite de l’histoire militaire 17 ».

Ces documents témoignent de la violation des droits humains (organisation d’enlèvements, détentions sans procès, tortures, etc.), de l’extension des frappes par drones – qui n’épargnent ni enfants, ni femmes (enceintes), ni citoyens américains ; et dévoilent les manoeuvres mises en place par les États-Unis pour cacher leurs agissements.

Confronté à l’impossibilité de contester les informations divulguées, Washington concentre sa propagande sur l’« irresponsabilité » de leur publication, Assange et sa source ont « peut-être déjà sur les mains le sang d’un jeune soldat ou celui d’une famille afghane », déclarent le secrétaire à la Défense des États-Unis Robert Gates et l’amiral Michael Mullen. Cette accusation ne sera jamais prouvée, mais les relais médiatiques ont activement contribué à ce procès public en irresponsabilité. Sept ans plus tard, même le rapport secret du département US de la Défense (publié en 2017 par WikiLeaks) n’a pu confirmer que ces révélations ont menacé la sécurité des États-Unis 18.

Pour se défendre de ces accusations, WikiLeaks n’a pas seulement collaboré avec des grands titres de presse, mais aussi sollicité le Pentagone pour qu’il efface lui-même les noms d’agents potentiellement menacés. À cette proposition, les autorités ne donnent pas suite, puis en nient l’existence – dont WikiLeaks publiera toutefois la preuve 19. Enfin, les noms des personnes à protéger seront effacés par WikiLeaks avant la mise en ligne d’un lot de documents – tandis que près de 15 000 ne seront pas divulgués 20.

Au centre de toutes les attaques, Assange se sent protégé tant qu’il reste « dans la lumière » et continue d’être une menace pour ses adversaires. Ainsi garde-t-il comme « son assurance-vie » une réserve de 260 000 câbles compromettants. Malgré le harcèlement du Guardian – qui en avait récupéré une copie auprès d’un membre de WikiLeaks en Islande –, Assange tenait ces documents comme impossibles à rendre publics tels quels. Alors que le Guardian inverse les rôles et reporte sur Assange l’accusation d’irresponsabilité, ce dernier confie ces documents à des contacts en Europe, au Cambodge et à Daniel Ellsberg 21. Les États-Unis font pression sur le Royaume-Uni, la France et l’Australie pour restreindre ses déplacements et Assange ne prend pas le risque de se rendre à New York pour une conférence, manquant la rencontre avec Ellsberg.

26 juillet. Bradley Manning est officiellement désigné par l’armée états-unienne comme la source des « Afghan War Diaries ».

L’AFFAIRE SUÉDOISE 22

Août-septembre. Invité en Suède afin de participer à un séminaire organisé par la branche chrétienne du Parti social-démocrate, Assange vient dans l’idée que ce pays, dont la législation protège la liberté de la presse, pourrait constituer un refuge pour WikiLeaks. À son arrivée, il découvre que ses cartes bancaires ont été bloquées par les services états-uniens. Durant son séjour à Stockholm, il est hébergé par la secrétaire politique du Parti social-démocrate qui l’a invité et fait aussi la connaissance d’une femme qui assiste au séminaire.

Après que les deux femmes ont découvert que chacune a eu des relations sexuelles avec Assange, la première l’accusera d’avoir continué un rapport après avoir délibérément retiré ou déchiré son préservatif ; la seconde que leur rapport initial était consenti mais pas le suivant, survenu le lendemain matin, cette fois sans protection. Il apparaîtra dans les déclarations que la seconde aurait permis à Assange de continuer en espérant qu’il n’ait pas le Sida. Elle lui demandera par la suite de passer un test de dépistage. Le 20 août, Assange se serait engagé à le faire dès le lendemain – mais aurait reporté sa promesse car c’était un week-end et que les centres étaient fermés. Les deux femmes se donnent alors rendez-vous dans un commissariat de Stockholm pour demander conseil dans le but d’obliger Assange à réaliser un test.

Selon leur avocat, elles n’étaient pas sûres de vouloir porter plainte mais se seraient décidées à le faire sous l’influence de la policière qui leur a précisé qu’il pouvait s’agir d’un « crime sexuel » 23.

C’est par voix d’un tabloïd qu’Assange apprend qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour « crime sexuel ».

— 21 août : Assange se met à la disposition des autorités suédoises et réalise le test de dépistage (négatif) ;

— 25 août : procureure en chef de Stockholm, Eva Finné clôt l’enquête préliminaire après avoir levé le mandat d’arrêt contre Assange et estimé que les preuves ne relevaient pas du viol et le comportement allégué d’aucun crime ;

— 27 août : un avocat désigné par le tribunal et représentant les intérêts des deux femmes fait pression pour que l’enquête soit rouverte ;

— 30 août : Assange fait sa déposition à la police et répond aux questions posées ;

— 1er septembre : Marianne Ny – procureure générale suédoise spécialisée dans les crimes sexuels et oeuvrant pour la qualification comme viol du refus d’utiliser un préservatif – rouvre l’enquête sur le délit de « sexe par surprise » (passible de 546 euros d’amende en Suède). Assange accepte de répondre à une convocation mais Marianne Ny tombe malade ;

— 27 septembre : Assange quitte la Suède, puisqu’il y est autorisé. Il propose de revenir le 10 octobre, ou n’importe quel jour de la semaine suivante. La procureure Ny rejette cette proposition qu’elle trouve trop lointaine dans le calendrier.

LÂCHAGES EN SÉRIE ET NOUVELLES RÉVÉLATIONS SUR LES GUERRES AMÉRICAINES

Septembre. Les polémiques autour de la publication des « Afghans War Diaries », la grande exposition médiatique d’Assange et le scandale suédois contribuent à finir de dégrader les relations au sein de la petite équipe de WikiLeaks, que Domscheit-Berg quitte avec les clés d’accès destinées aux lanceurs d’alerte et 3 500 documents qu’il ne juge plus en sécurité – et finira par détruire 24. Momentanément paralysé, WikiLeaks est également lâché par la députée islandaise Birgitta Jónsdóttir. Cette grande fragilité, désormais notoire, l’organisation reposant sur si peu de moyens et d’individus, est analysée par Assange comme un avantage qui inquiète les États, au point où il est impératif pour eux d’en faire un contre-exemple 25.

Octobre. Kristinn Hraffnsson et Sarah Harrison, qui ont rejoint WikiLeaks, préparent la publication d’une nouvelle salve de documents issus des fuites de Manning sur la guerre en Irak.

La nouvelle équipe coopère avec des journalistes du Guardian, du Spiegel, du New York Times et du site Iraq Body Count. « The Iraq War Logs » contiennent 391 832 notes officielles sur la guerre d’Irak pour la période 2004-2009. Plus édifiants encore que les précédents, ces documents dévoilent la distance entre le conflit vendu par la propagande et la réalité faite de crimes de guerre, d’assassinats de journalistes et de civils non combattants. Sur les 109 032 morts répertoriés, 60 % sont des civils, 700 ayant été abattus (dont des femmes enceintes) pour s’être trop approchés de check-points.

En plus de ces documents, le « Red Cell Memorandum », rapport secret de la CIA, dévoile la stratégie de manipulation de l’opinion publique en Europe pour obtenir, sinon son consentement, au moins son « apathie » face aux guerres d’Afghanistan et d’Irak – par exemple, en jouant sur la popularité du président Obama et en instrumentalisant le sort des femmes afghanes au service de ces guerres « humanitaires ».

20 octobre. À la veille de la conférence de presse de WikiLeaks à Londres, le Guardian et le Spiegel demandent à être retirés de la communication. Ce qui fragilise, aux yeux des médias et des commentateurs, le statut de journaliste d’Assange, celui-ci le protégeant d’une accusation de complicité avec sa source, un des angles d’attaque des États-Unis pour le poursuivre en vertu de l’Espionage Act de 1917.

23 octobre. Pourtant partenaire de WikiLeaks, le New York Times accuse Assange d’avoir « du sang sur les mains ».

18 novembre. La procureure suédoise Marianne Ny, prenant quelques libertés avec les propos des plaignantes, lance un mandat d’arrêt européen pour délit sexuel contre Assange. Depuis le Royaume-Uni, celui-ci réaffirme des relations sexuelles consenties et dénonce un prétexte pour l’extrader de Suède vers les États-Unis, où il risque la prison à vie, voire pire 26.

LE « CABLEGATE » OU LA VÉRITÉ SUR LA DIPLOMATIE OCCIDENTALE

28 novembre. Constitué de 251 287 câbles diplomatiques échangés entre le département d’État US, les ambassades et les consulats états-uniens depuis les années 1970, le « Cablegate » confirme la soumission généralisée à la politique étrangère des États-Unis et révèle le mépris avec lequel leurs alliés sont traités par le corps diplomatique de Washington.

Après la trahison du 23 octobre, Assange exclut le New York Times et signe un contrat d’exclusivité avec le Guardian – mais le quotidien anglais continue de collaborer avec son confrère d’outre-Atlantique, essayant de forcer la publication des documents, motivé par l’appât du scoop sensationnel plus que par les règles de déontologie du journalisme dont il se targue 27. El País, le Spiegel et Le Monde deviennent des partenaires sur des sujets d’intérêt régional.

Le « Cablegate » provoque l’exfiltration de nombreux agents et indicateurs des États-Unis. Au-delà des effets de panique dans la diplomatie états-unienne, ces documents permettent de comprendre « les stratégies et les motivations des responsables américains telles qu’ils les ont exprimées entre eux et non comme ils ont l’habitude de les exprimer au public », précise WikiLeaks. Parmi des milliers d’informations, on apprend que (sur ces dernières années) :

— les États-Unis ont négocié la prise en charge de prisonniers de Guantánamo avec notamment la Belgique et la Slovénie ;

— l’Arabie saoudite, Israël, la Jordanie et Bahreïn ont fait pression sur les États-Unis pour qu’ils attaquent l’Iran ;

— dès 2006, « déstabiliser le gouvernement syrien était une motivation centrale de la politique américaine » ;

— les États-Unis ont bombardé le Yémen en secret ;

— parmi de nombreuses interventions de déstabilisation en Amérique du Sud, les États-Unis ont encouragé les régions riches boliviennes à faire sécession pour affaiblir Evo Morales ;

— l’État chinois a mené une cyber-attaque sur Google pour l’inciter à se retirer de leur territoire et des hackers chinois ont pénétré les sites du gouvernement et de plusieurs entreprises états-uniennes ;

— Hillary Clinton a fait « espionner » le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon ;

— Hillary Clinton a demandé au département d’État de collecter les « données biométriques », y compris les « empreintes, photos d’identité, l’ADN et les scans rétiniens » de dirigeants africains ;

— les États-Unis ont préparé avec les dirigeants sud-coréens l’après-Kim Jong-un ;

— Berlusconi et Poutine sont très proches, ils s’échangent des « cadeaux somptueux » et s’entendent sur des contrats énergétiques.

Le Monde rapporte qu’avant de se présenter aux présidentielles de 2007, Nicolas Sarkozy faisait allégeance au président George W. Bush, annonçant sa candidature à son conseiller économique seize mois avant de la rendre publique aux Français. Selon l’ambassadeur US Craig Stapleton, le candidat « s’est lamenté de l’état troublé des relations entre les États-Unis et la France au cours des dernières années » – soit une critique de la diplomatie d’un gouvernement (celui de Chirac-Villepin) dans lequel il siège comme ministre de l’Intérieur 28.

Comme plusieurs dirigeants, le président Sarkozy juge les publications de WikiLeaks « irresponsables ».

De nombreux éditorialistes français partagent ce point de vue, plaidant pour le secret-défense et contre l’excès de transparence 29.

LA TRAQUE DE L’ENNEMI DE WASHINGTON

30 novembre. Un mandat d’arrêt international est lancé contre Assange, bien que son lien avec la source des fuites ne soit pas établi, que l’Espionage Act soit une loi interne et qu’il ne soit pas de nationalité états-unienne. Aussi, en tant que journaliste et éditeur, Assange devrait être protégé par le premier amendement censé garantir la liberté d’expression et de la presse. Un grand jury s’est réuni en secret dans l’État de Virginie (avec l’appui du FBI) pour étudier comment poursuivre Assange et a émis un acte d’accusation sous scellés 30.

En attendant la bataille judiciaire, le site de WikiLeaks subit une importante attaque informatique, le vice-président Joseph Biden qualifie Assange de « terroriste high-tech 31» et la secrétaire d’État Hillary Clinton aurait demandé : « Ne peut-on pas envoyer simplement un drone sur ce type 32 ? »

4 décembre. Le blog de la société PayPal subit une cyber-attaque d’Anonymous. L’opération « Venger Assange » est lancée. Les cibles suivantes seront le procureur général de Suède, le sénateur états-unien Joseph Lieberman, Sarah Palin, MasterCard et Visa, EveryDNS ; puis la CIA, diverses banques, des ordinateurs de l’Otan, du FBI, etc.

7 décembre. À la demande de la justice suédoise, Assange se rend à la police britannique. Après avoir fourni un échantillon ADN et subi dix jours d’incarcération, il est relâché sous caution mais doit porter un bracelet électronique. La Suède refuse toujours de fournir l’assurance qu’Assange ne sera par extradé aux États-Unis.

23 décembre. À la demande du sénateur du Connecticut Joseph Lieberman, le nom de domaine de WikiLeaks est supprimé aux États-Unis. Le site bascule sur un nom de domaine en Suisse. Les sites miroirs restent accessibles.

24 décembre. Sacré « Homme de l’année » par la rédaction du Monde, Assange est à la « une » du Times.

WikiLeaks a publié pendant tout le mois des câbles diplomatiques US sur la Tunisie. Traduits en français puis en arabe par TunisiaLeaks – alors que Le Monde et Al Akhbar (Tunis) ont été censurés –, ils attisent l’opposition au régime. Aux éléments sur la corruption du clan Ben Ali, ces câbles dévoilent qu’en cas de conflit avec l’armée, les États-Unis pourraient ne pas soutenir le régime.

2011

PRINTEMPS ARABES ET RÉVOLTES EN CASCADE

10 janvier. La secrétaire d’État Hillary Clinton entame son « WikiLeaks Apology Tour », grande tournée d’excuses dans le monde arabe après les révélations de WikiLeaks. Le régime de Ben Ali est renversé quatre jours après sa visite en Tunisie.

16 janvier. À la suite des révélations de 2008, Rudolf Elmer, ancien directeur de la filiale de la banque suisse Julius Bär aux îles Caïmans, remet de nouveaux documents à WikiLeaks indiquant des évasions fiscales massives liées à des personnes et institutions bancaires détenant des comptes offshore 33.

28 janvier. Diffusion par WikiLeaks des câbles de Margaret Scobey, ambassadrice des États-Unis en Égypte alors que, trois jours plus tôt, des manifestants ont envahi la place Tahrir. Ces documents font référence aux violences policières et à la pression exercée par le ministère de l’Intérieur égyptien sur la justice. De 2005 à 2010, les rapports US concluent : « La torture et la brutalité policière sont endémiques et généralisées. »

11 février. Après trente-deux ans à la tête de l’Égypte, le président Hosni Moubarak démissionne, remet le pouvoir à l’armée et s’enfuit.

Selon plusieurs observateurs, les révélations de WikiLeaks ont joué un rôle dans le déclenchement des « Printemps arabes » et les révoltes en cascade au Yémen, en Libye, en Syrie, à Barheïn, en Irak, en Jordanie, au Maroc, au Soudan, en Arabie saoudite, etc.

Les informations issues des fuites de Manning ont été citées dans les mouvements de protestation qui ont embrasé les places cette année-là, des Indignados en Espagne à Occupy aux États-Unis.

JULIAN ASSANGE SOUS CONTRÔLE…MAIS PAS TOUT À FAIT

Février. Dans leur livre WikiLeaks. Inside Julian Assange’s War on Secrecy (Guardian Books), David Leigh et Luke Harding, journalistes au Guardian, rendent public le mot de passe confié par Assange permettant d’accéder aux 250 000 câbles diplomatiques non expurgés 34.

3 juillet. Toujours assigné à résidence et sous contrôle judiciaire au Royaume-Uni, Assange fête ses quarante ans dans le manoir de Norfolk où il est hébergé par un ami.

L’audience en extradition présente les contre-arguments de la procureure Clare Montgomery, ancienne avocate d’Augusto Pinochet.

Août. Prétextant une attaque des bases de données du gouvernement islandais par WikiLeaks, huit agents du FBI sont envoyés d’urgence sur place pour enquêter 35.

Face à la campagne de diffamation dont Assange fait l’objet, Daniel Ellsberg prend sa défense : « Des gens disent qu’il est paranoïaque ou déraisonnable, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne veulent pas l’attraper. »

26 août. Devant le risque que les documents du « Cablegate » auxquels David Leigh et Luke Harding du Guardian ont donné accès soient diffusés dans une version non expurgée, WikiLeaks tente de prévenir la secrétaire d’État Hillary Clinton, en vain 36.

2 septembre. Sachant que l’hebdomadaire allemand Der Freitag avait en sa possession l’intégralité des 250 000 documents du « Cablegate » et était sur le point de les rendre publics, WikiLeaks décide de les publier en l’état afin que les personnes potentiellement en danger l’apprennent au plus vite ; si plusieurs d’entre elles ont dû quitter leur poste de travail aussitôt leur identité dévoilée, aucune conséquence plus grave n’a été signalée – y compris lors des audiences d’extradition en 2020. Cette décision va pourtant renforcer les accusations d’irresponsabilité portées contre le fondateur de WikiLeaks.

24 octobre. WikiLeaks suspend officiellement ses activités éditoriales et se mobilise pour contrer un blocus financier orchestré par Visa, MasterCard, Bank of America, PayPal et Western Union. Selon Assange, depuis décembre 2010, ce blocus a détruit 95 % des revenus de l’organisation. La parade de WikiLeaks est d’utiliser le Bitcoin et d’autres monnaies électroniques anonymes.

2 novembre. La Haute Cour de Londres confirme l’extradition d’Assange vers la Suède. Sa défense conteste la légalité du mandat d’arrêt européen et intente un recours devant la Cour suprême.

2012

STRATFOR ET LES ANONYMOUS

28 février. WikiLeaks diffuse plus de cinq millions de documents internes de la firme de renseignement Stratfor (Strategic Forecasting Inc.) rédigés entre juillet 2004 et décembre 2011. Ces « Global Intelligence Files » donnent un éclairage sur les méthodes de cette « CIA fantôme » au service de grosses entreprises et du gouvernement US. Ainsi l’espionnage de militants écologistes à Bhopal (Inde), des activistes d’Occupy Wall Street et des hackers d’Anonymous pour le compte de Washington ; des altermondialistes de Yes Men pour Dow Chemical ; l’organisation de défense des animaux PETA (Canada) avant les Jeux olympiques de Vancouver par Coca-Cola, sponsor de l’événement. Ces documents révèlent aussi dans quel esprit travaille Stratfor, dont le vice-président Fred Burton écrit à propos d’Assange : « Il faut d’abord ruiner ce trou du cul. Lui coller sept à douze ans pour complot » ; « Trimbalez-le d’un pays à l’autre pour faire face à diverses accusations pendant les vingt-cinq prochaines années. Mais saisissez tout ce que lui et sa famille possèdent, sans oublier ceux liés à WikiLeaks » 37.

5 mars. Dénoncé par un autre hacker (menacé par le FBI de 120 ans d’emprisonnement), Jeremy Hammond, membre de la faction LulzSec des Anonymous, est arrêté pour le piratage de Stratfor – première phase d’une opération de dévoilement de la surveillance dans le monde, les « Spy Files » (2011-2014). Hammond plaide coupable, mais refuse de témoigner contre Assange. Il passera sept ans en prison.

17 avril. Assange produit « The World Tomorrow », une émission diffusée sur la chaîne anglophone Russia Today, où il mène des entretiens avec des personnalités internationales comme le linguiste Noam Chomsky, le président équatorien Rafael Correa, l’ancien prisonnier de Guantánamo Moazzam Begg, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. À la suite du New York Times et du Monde, de nombreux médias raillent Assange, voyant dans cette collaboration une « déchéance » et un ralliement à la Russie.

DANS L’ASILE-PRISON DE L’AMBASSADE D’ÉQUATEUR À LONDRES

30 mai. Malgré l’absence de toute charge criminelle, la Cour suprême du Royaume-Uni se prononce pour l’extradition d’Assange vers la Suède. La loi britannique sera modifiée pour rendre impossible ce type de décision mais avec une clause de « non rétroactivité » afin qu’Assange ne bénéficie pas de ce changement de loi.

19 juin. Assange casse son bracelet électronique et se réfugie à l’ambassade d’Équateur à Londres, aussitôt soumise à un dispositif quotidien de surveillance policière. Il y restera confiné pendant sept ans, dans des locaux exigus et sans accès à la lumière du Soleil.

S’il conteste le mandat d’arrêt suédois, Assange accepte d’être entendu à distance (téléphone, vidéoconférence) ou à l’ambassade par la procureure Marianne Ny ou des représentants de celle-ci. Ces procédures courantes lui sont systématiquement refusées.

5 juillet. WikiLeaks publie les « Syria Files » : 2,3 millions de courriels écrits entre août 2006 et mars 2012. Touchant 680 personnalités politiques syriennes et patrons de sociétés soutenant le président Bachar el-Assad, ces révélations sont aussi embarrassantes pour le pouvoir que pour ses opposants.

12 juillet. WikiLeaks gagne son procès contre Valitor (ex-Visa Iceland).

La justice ordonne la levée de l’embargo des sociétés de cartes de crédit et des banques obéissant aux injonctions de Washington 38.

24 juillet. L’ancien juge d’instruction espagnol Baltasar Garzón dirige désormais l’équipe de défense de WikiLeaks et de son fondateur. Célèbre pour avoir fait arrêter l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998, Garzón a été condamné en février 2012 à onze ans d’interdiction d’exercer pour avoir ordonné des écoutes jugées illégales dans une enquête sur un réseau de corruption qui a éclaboussé la droite espagnole en 2009 (affaire « Gürtel ») 39.

8 août. WikiLeaks subit pendant quelques jours une attaque par déni de service, « DDoS attack », qui empêche toute connexion à son site ainsi qu’au Fonds de défense de la neutralité du net (FDNN ou FDN²), la plateforme française qui récolte les dons.

16 août. Assange obtient l’asile politique de l’Équateur sous la présidence de Rafael Correa.

19 août. Assange fait une première apparition sur le balcon de l’ambassade équatorienne à Londres, saluant le courage et l’indépendance du pays qui lui donne asile et demande au gouvernement états-unien d’arrêter sa « chasse aux sorcières ».

Malgré les conditions de surveillance policière et l’exiguïté des locaux de l’ambassade, Assange reçoit des visites de soutiens et donne des entretiens aux médias internationaux.

— L’année 2012 aura été marquée par une significative « prise de distance » d’une grande partie de la presse internationale, qui avait pourtant largement profité, depuis 2006, des révélations de WikiLeaks dans un contexte de perte de vitesse de la presse écrite face à l’essor d’Internet et d’une réduction notable des moyens pour enquêter « à l’ancienne ».

Plutôt que l’affirmation d’un soutien et la reconnaissance d’une dette, les sujets évoquant Julian Assange dans la grande presse sont désormais associés aux termes « controversé » ou « irresponsable » et évoquent systématiquement « une affaire de viol et d’agression sexuelle présumée » 40.

2013

8 avril. Depuis l’ambassade d’Équateur, Assange annonce la publication par WikiLeaks de plus de 1,7 million de documents secrets de la diplomatie US concernant la période 1973-1976. Il ne s’agit pas de fuites. Ceux-ci sont en effet consultables aux archives nationales des États-Unis (NARA), mais ils incluent la correspondance du secrétaire d’État de cette période, les « Kissinger Cables », qui confirment les critiques souvent émises par des personnalités comme Noam Chomsky et William Blum qui étaient calomniées à l’époque par la presse officielle.

L’encyclopédie coopérative en ligne Wikipédia retient cette citation prémonitoire de Henry Kissinger : « L’illégal, on le fait maintenant ; l’inconstitutionnel prend un peu plus de temps. »

Pour WikiLeaks, sa plus massive publication en ligne « montre l’implication américaine dans les dictatures fascistes, particulièrement en Amérique latine, sous l’Espagne de Franco et sous la dictature des colonels en Grèce ».

L’EXFILTRATION D’EDWARD SNOWDEN

Juin. Analyste de la CIA et de la NSA, Edward Snowden, 29 ans, révèle les programmes de surveillance de masse des États-Unis sur les télécommunications, à domicile comme à l’étranger, avec la complicité de leurs alliés : Grande-Bretagne, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande. À partir du 5 juin, depuis l’hôtel où il s’est caché à Hong Kong, Snowden dévoile son identité et publie ces révélations par l’intermédiaire du journaliste du Guardian Glenn Greenwald 41. Ces 1,5 million de documents secret-défense, exfiltrés à l’aide d’une clef USB cachée dans un Rubik’s Cube, ébranlent tout le système de surveillance mondial et écorne l’image du président Obama fraîchement réélu. On découvre aussi que Julian Assange est une cible prioritaire, aux côtés de terroristes et de trafiquants de drogue internationaux.

Snowden, dont le portrait est diffusé partout dans le monde, devient à son tour une cible majeure des services US. Pourtant, loin des idées libertaires d’Assange mais révolté par l’ampleur et l’illégitimité de l’espionnage, Snowden, issu d’une famille de militaires, se présente comme un patriote 42. Dès que son identité est rendue publique, Snowden est soutenu par WikiLeaks, qui lance vingt-et-une demandes d’asile politique : France, Islande, Cuba, Venezuela, Brésil, Inde, Chine, Allemagne, Autriche, Bolivie, Finlande, Italie, Irlande, Pays-Bas, Nicaragua, Norvège, Pologne, Espagne, Russie, Équateur et Suisse. Toutes sont refusées.

Juillet. Sarah Harrison, no 2 de WikiLeaks, a rejoint Snowden à Hong Kong pour l’aider à échapper à la traque lancée par Washington. Après un parcours rocambolesque, il trouve finalement asile en Russie. La rumeur de sa dissimulation dans l’avion du président bolivien Evo Morales provoque un incident diplomatique : sous pression de Washington, la France et l’Italie lui refusant l’autorisation d’emprunter leur espace aérien, l’avion présidentiel est contraint d’atterrir à Vienne, où il sera fouillé…

ATTAQUES ET CONTRE-ATTAQUES

21 août. Bradley Manning est condamné à trente-cinq ans de prison pour espionnage. Dans un communiqué transmis par son avocat, il affirme son espoir d’être gracié et fait part de son intention d’entamer une thérapie hormonale pour changer de sexe. Son nom sera désormais Chelsea Manning.

2014

19 juin. Depuis des mois, WikiLeaks n’occupe plus la « une » des journaux. Assange vient de « fêter » ses deux ans de confinement dans l’ambassade équatorienne à Londres et pose en photo, vêtu du maillot de l’équipe de football de l’Équateur.

21 décembre. WikiLeaks publie deux documents secrets décrivant les procédures de passage des frontières pour les agents de la CIA, leur permettant de contourner les systèmes de surveillance, notamment des pays alliés 43.

2015

Avril. WikiLeaks publie 30 000 documents et 173 000 courriels piratés au sein de Sony Pictures Entertainment (SPE), filiale américaine du groupe japonais, en justifiant cette publication par l’intérêt de voir « les rouages internes d’une entreprise multinationale influente ».

3 juin. Expérimentant une nouvelle stratégie, WikiLeaks promet 100 000 dollars contre une copie de l’accord de partenariat transpacifique (TPP). La somme sera rapidement récoltée grâce à des dons en ligne 44.

19 juin. En partenariat avec le quotidien libanais Al Akhbar, WikiLeaks publie les « Saudi Cables », une première tranche de 70 000 câbles diplomatiques qui révèlent le financement par l’Arabie saoudite des médias et des hommes politiques libanais favorables à ses positions 45.

23 juin. En écho aux révélations de Snowden et en collaboration avec WikiLeaks, Libération et Mediapart publient la preuve que, de 2006 au 22 mai 2012, la NSA a espionné les présidents français Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ainsi que certains de leurs collaborateurs. Deux jours après la publication de ces documents, le président Hollande condamne ces pratiques, qu’il décrit comme des « agressions », mais assure aussitôt qu’il a obtenu l’engagement de Washington de ne plus recommencer.

1er juillet. WikiLeaks publie, avec Mediapart et Libération, deux documents de la NSA datant de 2011 montrant que l’agence états-unienne a surveillé les plus hauts dirigeants allemands, dont la chancelière Angela Merkel.

La surveillance de l’Allemagne est notée comme « priorité 2 » par la NSA, soit très haute.

3 juillet. Assange publie dans Le Monde une lettre ouverte au président Hollande : « Seule la France se trouve aujourd’hui en mesure de m’offrir la protection nécessaire contre, et exclusivement contre, les persécutions politiques dont je fais aujourd’hui l’objet. En tant qu’État membre de l’Union européenne, en tant que pays engagé par toute son histoire dans la lutte pour les valeurs que j’ai faites miennes, en tant que cinquième puissance mondiale, en tant que pays qui a marqué ma vie et en accueille une partie, la France peut, si elle le souhaite, agir. »

Moins d’une heure après la publication du texte, l’Élysée fait savoir par voie de communiqué qu’une demande d’asile politique ne recevrait pas un avis favorable. La France ne veut pas plus d’Assange que de Snowden.

11 août. Après la collecte qui a permis de révéler l’accord de partenariat transpacifique (TPP), Assange s’associe à Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, afin de contribuer au financement d’une nouvelle prime de 100 000 dollars pour le dévoilement des accords de libre-échange transatlantiques (TTIP/Tafta) secrètement négociés entre la Commission européenne et l’administration Obama 46.

2016

L’ANNÉE OÙ DONALD TRUMP A ÉTÉ ÉLU

5 février. Résultat du travail des avocats qui défendent WikiLeaks, un groupe d’experts des Nations unies juge arbitraire la situation d’Assange, la qualifiant de détention illégale et en violation des obligations de la Suède en matière de droit international 47.

9 février. Au fil de son analyse sur les réseaux sociaux de la campagne pour l’élection présidentielle US, Assange critique les penchants bellicistes de la secrétaire d’État Hillary Clinton : « Un vote pour Hillary est un vote pour une guerre stupide et sans fin. »

23 février. Publication par WikiLeaks des « NSA World Leaders Targets ». Extraits des rapports confidentiels de l’agence de renseignement US, ces documents révèlent une série d’actes d’espionnage : mise sur écoute d’une réunion privée sur la stratégie de lutte contre le changement climatique entre le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et la chancelière allemande Angela Merkel ; du chef de cabinet du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), de hauts responsables de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Union européenne ; mais aussi de diplomates italiens en relation avec Benyamin Nétanyahou (où l’on apprend que ce dernier a demandé à Silvio Berlusconi de l’aider à rétablir ses relations avec Barack Obama) ; ou encore de conversations entre dirigeants européens (Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Silvio Berlusconi, etc.).

Avril. La « Quinzaine des réalisateurs » du festival de Cannes présente une première version de Risk, le documentaire de Laura Poitras sur Assange et son entourage. Réalisatrice de Citizenfour sur Edward Snowden et ancienne compagne de Jacob Appelbaum (désormais très actif dans WikiLeaks), Laura Poitras avait gagné la confiance d’Assange. À la surprise générale, elle annonce qu’elle doit remanier son film sauf à « l’abandonner ou évoquer plus directement les questions de harcèlement dans cette communauté ».

Mai. Publié en partie par Greenpeace (puis intégralement par WikiLeaks), l’accord TTIP (Tafta) apparaît comme un projet de destruction du modèle étatique européen au profit des multinationales.

Les révélations de WikiLeaks sur les TPP (Trans-Pacific Partnership Agreement) et TiSA (Trade in Services Agreement) montrent à quel point ces projets, que les dirigeants voulaient adopter en secret, accentuent la privatisation et la dérégulation des services au détriment des entreprises publiques, notamment dans la santé et l’environnement.

L’ampleur des protestations qui suivront ces révélations déboucheront sur le retrait du Tafta dans sa forme initiale.

25 mai. À la suite d’une série d’accusations de viol et de harcèlement sexuel (qu’il nie), Jacob Appelbaum annonce son retrait du projet Tor, le navigateur anonyme qu’il a participé à fonder 48.

Aux yeux des détracteurs d’Assange, cette affaire renforce l’accusation suédoise.

Juin. La version remaniée par Laura Poitras de son documentaire fait l’objet d’échanges conflictuels entre la réalisatrice et les avocats de WikiLeaks, qui invoquent la mise en danger des protagonistes 49. La réalisatrice accuse WikiLeaks de vouloir la censurer. Son film sortira aux États-Unis, dans la version de la réalisatrice, en exclusivité sur Netflix, avant de n’être finalement plus disponible.

7 juin. Alors qu’Hillary Clinton est candidate lors de la primaire du Parti démocrate pour l’élection présidentielle, Assange met en place une interface qui permet de lire facilement ses courriels professionnels, désormais publics (la loi américaine obligeant l’archivage des courriels professionnels des élus).

5 juillet. Détenue à la prison militaire de Fort Leavenworth dans le Kansas, Chelsea Manning tente de se suicider.

22 juillet. À deux jours de la convention démocrate, WikiLeaks rend publics 19 252 courriels révélant comment la direction du Parti démocrate a manipulé ses élections primaires pour favoriser Hillary Clinton au détriment de Bernie Sanders. Ces révélations conduisent à la démission de cinq hauts responsables du parti, dont la présidente du DNC (l’organisme qui dirige le Parti démocrate), Debbie Wasserman Schultz.

Interrogé depuis son confinement par Amy Goodman pour le média indépendant américain Democracy Now!, Assange assume pleinement son rôle dans la fuite 50.

9 septembre. Chelsea Manning entame une grève de la faim pour protester contre le harcèlement dont elle est victime en prison.

7 octobre. À quelques semaines de l’élection présidentielle US, WikiLeaks révèle les courriels de John Podesta, directeur de campagne d’Hillary Clinton, où l’on apprend que la candidate connaissait à l’avance les questions posées lors des débats de la primaire face à Bernie Sanders.

WikiLeaks révèle aussi les extraits de conférences d’Hillary Clinton payées par Goldman Sachs en 2013 et le financement de la Fondation Clinton par l’Arabie saoudite alors que les records de ventes d’armes à ce pays ont été battus sous son mandat de secrétaire d’État.

16 octobre. L’accès à Internet d’Assange dans l’ambassade d’Équateur est bloqué.

7 novembre. En isolement, Manning fait une deuxième tentative de suicide.

8 novembre. Après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, dans le cadre des soupçons d’ingérence, de hauts responsables et les services de renseignement états-uniens accusent la Russie d’avoir piraté les documents nuisant à Clinton pour les communiquer à WikiLeaks.

Malgré l’absence de preuves, le rapport du procureur spécial Robert Mueller conclut (ce que reprendra largement la presse) à l’ingérence russe dans ce dossier 51.

Malgré l’affirmation par WikiLeaks que l’origine des sources n’a aucune influence sur le contenu des documents révélés, dont l’authenticité est avérée, l’accusation d’avoir été instrumentalisé par la Russie pour favoriser l’élection de Trump nuit fortement à la réputation d’Assange dans le monde occidental, affaiblissant encore sa position. La défaite d’Hillary Clinton, dont on le rend en partie responsable, lui fera perdre beaucoup de soutiens 52.

14 novembre. La procureure suédoise Marianne Ny envoie enfin un magistrat à Londres pour recueillir la déposition d’Assange sur l’accusation de « délits sexuels ».

Il s’étonne publiquement d’être poursuivi depuis six ans alors que le dossier a été clos fin août 2010 par la justice suédoise.

2017

UNE PRIORITÉ POUR LES ÉTATS-UNIS

Janvier. WikiLeaks tweete : « La promesse non tenue de Trump sur la publication de sa déclaration d’impôts est encore plus injustifiable que Clinton cachant ses discours pour Goldman Sachs » ; et lance un appel pour obtenir la déclaration d’impôts que le nouveau président refuse de rendre publique malgré sa promesse de campagne.

Les démocrates et leurs soutiens internationaux n’en démordent pas : en révélant, pendant la campagne, des documents compromettants pour la candidate Hillary Clinton, les « Democratic National Committee Leaks », plutôt que de les cacher aux yeux des électeurs, WikiLeaks a aidé Trump à gagner les élections.

À l’accusation d’ingérence russe, Assange répond que « les sources de WikiLeaks en ce qui concerne les courriels de Podesta et la fuite du DNC ne sont membres d’aucun gouvernement, ne sont pas des acteurs étatiques et ne proviennent pas du gouvernement russe ». WikiLeaks réfute également avoir publié quoi que ce soit d’un certain « Guccifer 2.0 » qui prétend être à l’origine du piratage.

Mars. WikiLeaks publie une série de documents de la CIA sur la surveillance électronique et la cyber-guerre regroupés sous l’intitulé « Vault7 ». On y apprend comment la CIA a illégalement piraté les ordinateurs sous Microsoft Windows et Apple, les systèmes iOS et Androïd (c’est-à-dire tous les smartphones), et transformé les Smart TV de Samsung en appareils d’écoute ; comment la CIA entre discrètement dans les messageries cryptées, dont WhatsApp (non sécurisée) mais aussi Telegram et Signal (réputées l’être).

La CIA déplore ces révélations qui « non seulement mettent en danger le personnel et les opérations américaines, mais aussi fournissent à nos adversaires des outils et des informations pour nous nuire », et justifie l’espionnage des citoyens ainsi : « Le public américain devrait être profondément troublé par toute divulgation de WikiLeaks conçue pour altérer la capacité de la communauté du renseignement à protéger l’Amérique des terroristes et autres adversaires. »

21 avril. Le ministre US de la Justice Jefferson « Jeff » Sessions fait de l’arrestation d’Assange une « priorité » pour les États-Unis.

17 mai. L’administration Obama ayant commué sa peine le 17 janvier pour rendre possible sa libération anticipée, Chelsea Manning sort de prison sept ans après sa première arrestation. En échange, Washington attend qu’elle témoigne contre WikiLeaks et Assange.

C’est aussi une tentative pour coincer ce dernier, qui s’est engagé à accepter son extradition si Manning était graciée (ce qui n’est toujours pas le cas) et si ses droits étaient garantis (ce qui n’a toujours pas été fait).

19 mai. La Suède classe sans suite la plainte déposée contre Assange pour « délits sexuels ». Si le dossier peut être rouvert jusqu’à sa prescription en août 2020, le mandat d’arrêt européen est levé.

UN HÔTE TRÈS ENCOMBRANT

24 mai. Ancien vice-président de Rafael Correa, Lenín Moreno, qui lui succède à la tête de la République d’Équateur, trahit rapidement ses promesses de campagne et s’aligne sur la politique de Washington.

Moreno prévient Assange, qualifié de « caillou dans la chaussure », que, s’il veut rester dans l’ambassade d’Équateur à Londres, il ne doit plus faire de politique ni même tweeter.

3-5 juin. Ancienne linguiste cryptographe de l’US Air Force, Reality Winner, 26 ans, est arrêtée pour la fuite de documents de la NSA en rapport avec les accusations d’ingérence russe dans l’élection de Donald Trump, qu’elle avait transmis au site The Intercept.

WikiLeaks appelle à soutenir la lanceuse d’alerte et offre une récompense de 10 000 dollars pour des informations sur le journaliste de The Intercept qui a trahi sa confiance et permis son identification 53.

19 septembre. En partenariat avec Mediapart et La Repubblica, WikiLeaks publie la série des « Spy Files Russia », trente-quatre documents de la société russe Peter-Service qui fournit notamment des dispositifs de facturation aux opérateurs de téléphonie, mais aussi un service de surveillance aux services secrets (FSB) et au ministère de l’Intérieur.

Que la diffusion de ces révélations se poursuive jusqu’en mars 2018, en pleine élection présidentielle en Russie, n’empêche pas WikiLeaks d’être toujours accusé d’être « pro-russe ».

30 novembre. L’écologiste féministe anti-militariste Katrín Jakobsdóttir est nommée Premier ministre d’Islande. Dans la lignée des propositions du Parti pirate, elle défend à son tour une loi très protectrice pour les lanceurs d’alerte.

12 décembre. Devenu un hôte très encombrant, Assange est naturalisé par l’Équateur, qui demande au Royaume-Uni de le considérer comme un diplomate et lui accorder le droit de sortir librement – une façon comme une autre de s’en débarrasser. Mais le Royaume-Uni refuse.

Ne pouvant toujours pas sortir de l’ambassade sans risquer d’être arrêté, Assange reste en permanence surveillé par Scotland Yard et, on l’apprendra le 10 avril 2019 à la veille de son expulsion de l’ambassade lors d’une conférence de presse de WikiLeaks, espionné par des caméras et des micros cachés jusque dans les toilettes de l’ambassade par la société de sécurité espagnole UC Global. Il apparaît que ce sous-traitant du gouvernement équatorien a travaillé en secret pour les États-Unis ; son dirigeant, David Morales, remettait personnellement les enregistrements tandis qu’il versait tous les mois 20 000 euros en espèces à la responsable de la sécurité de l’ambassade pour s’assurer qu’elle fasse des rapports favorables à la poursuite du contrat d’UC Global.

On apprendra aussi des témoignages anonymes d’anciens employés d’UC Global l’existence de plans pour empoisonner Assange ou le kidnapper, tandis que ses avocats aussi étaient visés et surveillés 54.

2018

Mars. Éclate un scandale dans lequel Assange et WikiLeaks n’ont rien à voir : Cambridge Analytica, une entreprise de « conseil en gestions autres que la gestion financière » fondée à Londres en 2013, a analysé les données de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook, à leur insu, pour le compte de l’équipe de Donald Trump durant la campagne pour la présidentielle 55.

23 août. Condamnation de la lanceuse d’alerte Reality Winner, arrêtée en juin 2017 pour avoir transmis des documents à The Intercept. Après avoir plaidé coupable, elle est condamnée à cinq ans et trois mois de prison au nom de l’Espionage Act.

Octobre. L’Équateur impose à Assange un règlement intérieur en vingt-huit points très contraignants dont l’interdiction de faire du journalisme et d’exprimer ses opinions. L’asile politique est devenu une prison.

Ses nouveaux geôliers ont désormais la possibilité de saisir ses biens pour les remettre à la police britannique, les visites sont limitées et gérées comme en prison, sauf qu’il n’a toujours pas le droit d’être exposé à la lumière du Soleil, qu’on le prive désormais du minimum nécessaire à sa toilette personnelle et que ses visiteurs sont espionnés.

Novembre. Publication dans le Guardian d’un article sur une supposée visite à Assange dans l’ambassade de Paul Manafort, ancien directeur de campagne déchu de Donald Trump, et de « certains Russes ». Au fur et à mesure que WikiLeaks apporte des éléments sur les mensonges de l’article, le Guardian le modifie en ligne, apportant des nuances (« selon les sources », emploi du conditionnel…) qui décrédibilisent finalement l’accusation 56.

2019

11 avril. Déchu de sa nationalité équatorienne, Assange est interpellé dans l’enceinte même de l’ambassade où il est reclus depuis six ans et dix mois. Exfiltré de force et porté par des policiers, sa silhouette à la barbe blanche sera très commentée. L’ambassade livrera tous ses effets personnels aux États-Unis, dont sa stratégie de défense.

Qualifiant son successeur Lenín Moreno de « plus grand traître de l’histoire équatorienne et de l’Amérique latine », Rafael Correa, fidèle soutien d’Assange, note : « C’est la première fois dans l’histoire qu’on arrête quelqu’un dans une ambassade, c’est un crime que l’humanité n’oubliera pas 57. »

Déclarant Assange coupable d’avoir violé les termes de sa libération conditionnelle en brisant son bracelet électronique, le juge Michael Snow le fait incarcérer dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, construite dans la banlieue de Londres pour les terroristes et autres grands criminels condamnés à des peines lourdes.

À la demande d’une des plaignantes, la justice suédoise rouvre le dossier d’Assange pour « délits sexuels ».

EN PRISON POUR « LA VÉRITÉ »

19 avril. Le département de la Justice des États-Unis publie le rapport final du procureur spécial Robert Mueller chargé d’enquêter sur les soupçons de collusion entre Moscou et l’équipe de campagne de Donald Trump en 2016. Après deux ans d’enquête pour un coût de 35 millions de dollars, aucune preuve d’implication de la Russie dans les publications de WikiLeaks n’a été apportée 58.

1er mai. Pour avoir rompu son bracelet électronique, Assange est condamné à la lourde peine de cinquante semaines de prison.

9 mai. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture Nils Melzer et deux experts médicaux indépendants diagnostiquent chez Assange une anxiété chronique et des traumatismes psychologiques intenses typiques de la torture psychologique 59.

Pendant les mois qui suivent, de nombreux observateurs, et en particulier un collectif de médecins, appellent à mettre un terme à la « persécution collective dont Julian Assange est victime » après avoir constaté une inquiétante dégradation de sa santé physique et mentale du fait de l’isolement et du stress intense lié aux menaces qui pèsent sur lui 60.

13 mai. Assange écrit une lettre au journaliste britannique indépendant Gordon Dimmack : « J’ai été privé de toute capacité à préparer ma défense, sans ordinateur, sans Internet, pas de bibliothèque jusqu’à présent ; et même si j’y avais accès, ce ne serait qu’une fois par semaine et pour une demi-heure avec tous les autres détenus. Pas plus de deux visites par mois, et il faut des semaines pour inscrire quelqu’un sur la liste des visiteurs, à condition de fournir toutes leurs coordonnées pour qu’ils fassent l’objet d’une enquête de sécurité. Ensuite, tous les appels, à l’exception de ceux des avocats, sont enregistrés et d’une durée maximale de dix minutes sur une période limitée de trente minutes par jour pendant laquelle tous les détenus se disputent le téléphone. Et le crédit ? Juste quelques livres sterling par semaine ; et personne ne peut appeler de l’extérieur. En face ? Une superpuissance qui se prépare depuis neuf ans et qui a affecté à cette affaire des centaines de personnes et dépensé des millions. Je suis sans défense et je compte sur vous […] pour me sauver la vie. […] En fin de compte, tout ce que nous avons, c’est la vérité 61. »

16 mai. Chelsea Manning est réincarcérée à la suite de son refus de témoigner dans l’enquête à charge sur WikiLeaks et Assange.

23 mai. Pour éviter qu’Assange ne soit libéré après avoir purgé ses cinquante semaines de prison, le grand jury états-unien, qui se réunit secrètement depuis 2018, l’inculpe formellement de dix-huit chefs d’accusation essentiellement fondés sur l’Espionage Act de 1917 qui est une loi interne aux États-Unis. Assange alerte depuis des années sur le fait que « si on peut projeter ses propres lois sur le territoire d’un autre pays », c’est une façon très affichée de faire pression sur des journalistes étrangers qui osent critiquer la politique des États-Unis et que « cela ressemble à une occupation physique » des pays concernés 62.

Assange est accusé par les États-Unis d’avoir aidé Manning à craquer un mot de passe pour accéder aux documents classifiés. Avec ce point juridique, qui permet de dénier à Assange son statut de journaliste, les procureurs cherchent à contourner le premier amendement qui protège la liberté d’informer aux États-Unis. Le soutien des médias qui ont bénéficié des révélations de WikiLeaks est donc essentiel et leur attitude envers Assange en dit long sur leur degré d’indépendance.

30 mai. Très affaibli par ses années de confinement dans l’ambassade d’Équateur, privé de Soleil, d’air frais, de déplacements et de soins médicaux appropriés, Assange est transféré dans l’aile médicale de la prison de Belmarsh 63.

Juin. En préparation des audiences d’extradition d’Assange, les États-Unis présentent une nouvelle série de charges (hors délai) alors que les témoins appelés à la barre ont déjà rédigé leurs témoignages sur la base des dix-huit charges initiales. La juge Baraitser refuse d’accorder un délai à la défense pour y répondre. Elle reprend les arguments de l’équipe juridique US.

1er novembre. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture Nils Melzer prévient que « l’exposition continue de M. Assange à l’arbitraire et aux abus pourrait bientôt lui coûter la vie 64». Aucun sauf-conduit nécessaire à son hospitalisation ne sera toutefois délivré.

19 novembre. Neuf ans après les événements, la justice suédoise clôt définitivement le chapitre de l’accusation de « délits sexuels » qui a ruiné la réputation d’Assange, mais cette information intéresse moins les médias.

2020

EXTRADITION ET « ESPIONAGE ACT »

20 février. Les avocats Éric Dupond-Moretti et Antoine Vey, qui ont rejoint l’équipe de défense d’Assange pour la France, annoncent en conférence de presse leur projet de solliciter un entretien avec le président Emmanuel Macron pour réclamer l’asile politique du fondateur de WikiLeaks.

24 février. Début des audiences à Londres pour statuer sur la demande d’extradition vers les États-Unis. WikiLeaks dénonce un conflit d’intérêts dans la désignation de la juge Emma Arbuthnot, dont le mari a présidé le comité spécial qui supervisait le ministère de la Défense et les forces armées britanniques (2005-2014) pendant les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Des sociétés privées de défense et de sécurité en lien avec la juge ont été mises en cause par les révélations de WikiLeaks. Elle aurait aussi bénéficié d’avantages financiers pour ses prises de position. Depuis décembre 2018, son fils est vice-président de Vitruvian Partners, une société de protection des données créée par les services de renseignement britanniques suite aux fuites de Manning et de Snowden et dont le personnel a été recruté à la NSA et à la CIA. Si ces révélations de nombreux conflits d’intérêts poussent Emma Arbuthnot à désigner la juge Vanessa Baraitser pour la suppléer à la barre, elle reste en charge du procès 65.

12 mars. Après 301 jours d’incarcération et diverses formes de torture constatées par Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Chelsea Manning est libérée le lendemain d’une nouvelle tentative de suicide. Le juge Anthony Trenga a décidé que la comparution « n’est plus nécessaire » et que « son maintien en détention ne répond plus à un objectif de coercition », le grand jury venant d’être dissous. Manning, qui n’est pas pour autant graciée, devra payer une amende de 256 000 dollars (somme récoltée en 24 h par une collecte de fonds). Elle n’a jamais accepté de témoigner contre Assange comme Washington l’attendait d’elle. Elle s’engagera dans des luttes au risque de sa vie, notamment contre l’extrême droite états-unienne 66.

Aux visiteurs qui l’interrogent sur son espoir en l’avenir, prenant Manning pour exemple, Assange répète souvent un des fondements de WikiLeaks : « Le courage est contagieux. »

Avril. Dans un entretien au Mail on Sunday, Stella Moris, avocate de l’équipe de WikiLeaks, révèle qu’elle a eu deux enfants avec Assange alors qu’il était réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres. Elle a été poussée à prendre les devants car la juge Vanessa Baraitser a déclaré lors d’une audience que dans « l’intérêt d’une justice transparente », son nom et la nature de sa relation avec Assange devaient être révélés.

Juin. En préparation des audiences d’extradition, la juge Baraitser reprend les arguments de l’équipe juridique de Washington s’appuyant sur le témoignage du jeune activiste islandais Sigurdur Ingi Thordarson, alias « Siggi », qui coopère avec le FBI depuis (au moins) août 2011 en Islande afin de compromettre le fondateur de WikiLeaks. Thordarson affirme qu’Assange l’a encouragé à « commettre une intrusion informatique » pour voler les enregistrements audio de conversations téléphoniques entre fonctionnaires et parlementaires islandais. Du fait que l’Islande est membre de l’Otan, ce « témoignage » est à la base du troisième acte d’accusation par les États-Unis.

6 juillet. En France, l’avocat Éric Dupont-Moretti, qui n’a jamais pu obtenir un rendez-vous avec le président Emmanuel Macron au sujet de l’asile politique de Julian Assange, est nommé ministre de la Justice.

7 septembre-1er octobre. Après une pause de six mois due à la pandémie, reprise des audiences d’extradition. Assange est présent derrière la cage vitrée de son box, devant un public réduit par « mesure sanitaire ». Il ne peut pas communiquer avec ses avocats autrement qu’à l’aide de petits papiers glissés à travers une fente. Une salle adjacente est équipée d’une retransmission de mauvaise qualité pour suivre les débats, très peu d’autorisations ont été accordées – pas même pour Amnesty International ; près de cinquante ONG sont écartées 67. Seuls deux journalistes sont présents dans la salle (Craig Murray et John Pilger).

La vidéoconférence pour les journalistes hors de la salle est inaudible. La juge Baraitser accorde à l’accusation quatre heures d’interrogatoire par témoin et seulement une demi-heure aux avocats de la défense. Elle ne prend jamais de notes et lit des conclusions rédigées à l’avance.

La vidéoconférence d’un témoin est interrompue par la diffusion d’un discours de Donald Trump. Dans une attitude inhabituelle pour un procès public, la juge considère qu’elle en a assez avec les dépositions écrites alors que certaines datent de février et que les États-Unis ont fourni de nouvelles accusations depuis.

Après les accusations de piratage et d’espionnage sur lesquelles les témoins de la défense avaient travaillé, les États-Unis changent de stratégie pendant le procès, concentrant leurs attaques sur l’accusation de « mise en danger de vies ».

Daniel Ellsberg est appelé comme témoin par vidéoconférence. Pour préparer son témoignage, il a reçu 300 pages de nouvelles charges par courriel à 3 h du matin pour témoigner à 6 h (heure locale aux États-Unis). Ellsberg rappelle qu’en 1971, les Pentagon Papers qu’il a diffusés contenaient des milliers de noms et qu’il fut lui aussi qualifié de traître et calomnié par la presse 68.

La juge programme son rendu pour le 4 janvier 2021, « après les élections américaines », précise-t-elle.

Novembre. La flambée de cas de Covid-19 qui frappe l’aile de la prison de Belmarsh où est détenu Assange augmente encore son isolement.

4 décembre. Le démocrate Joseph Biden est élu 46e président des États-Unis d’Amérique. Donald Trump et ses partisans contestent le résultat et lancent une campagne médiatique et juridique pour « fraude électorale ».

2021

DERNIERS ESPOIRS

4 janvier. La justice britannique refuse la demande d’extradition d’Assange vers les États-Unis pour raison de santé et un « risque très élevé de suicide », après deux ans d’alertes, dont celles d’un collectif de plus de 300 médecins 69, et le constat du psychiatre qui l’a examiné.

Mais la juge Vanessa Baraitser déclare Assange coupable de toutes les charges et rejette les arguments de la défense en faveur de la liberté d’expression et d’information au motif qu’avec les révélations de WikiLeaks, « il est allé au-delà du rôle lié au journalisme d’investigation ».

Il est donc jugé « non extradable » pour cause de santé mentale incompatible avec les conditions de détention dans une prison « Supermax » aux États-Unis et sa libération est ordonnée.

Le Mexique offre l’asile politique à Assange.

6 janvier. La remise en liberté d’Assange est refusée, la juge Baraitser arguant que les États-Unis ont annoncé qu’ils feraient appel. Il est donc maintenu en détention à Belmarsh, une prison « Supermax » version britannique.Ses défenseurs comparent son traitement à celui d’Augusto Pinochet, assigné à résidence dans une luxueuse clinique après son arrestation à Londres en 1998 70.

7 janvier. Le Congrès des États-Unis confirme l’élection de Joseph Biden.

19 janvier. Dans une vidéo publiée sur Twitter, Stella Moris demande au président sortant Donald Trump d’accorder une grâce de « dernière minute » : « M. le Président, Julian est en prison en ce moment, il pourrait y mourir. C’est peut-être là sa seule chance ». En 2016, Trump avait effectivement proposé à Assange de le gracier s’il donnait le nom de sa source dans l’affaire des courriels fuités d’Hillary Clinton 71. Trump, qui a déjà quitté la Maison Blanche, ne graciera pas Assange mais soixante-treize autres personnalités, dont son ancien conseiller Steve Bannon, accusé de détournement de fonds 72.

12 février. Conformément à ce que le nouveau président des États-Unis Joseph Biden avait annoncé le 20 janvier lors de son investiture, son gouvernement fait officiellement appel, dans la continuité de la politique de son prédécesseur, du refus de la justice britannique d’extrader Assange afin de le juger dans le cadre de l’Espionage Act.

Votée en 1917, cette loi vise à faire taire toute forme d’opposition à une guerre menée par les États-Unis. Parmi les personnes condamnées au titre de l’Espionage Act, on compte notamment : Eugene Debs, Victor L. Berger, Ethel et Julius Rosenberg, Daniel Ellsberg, Chelsea Manning, Daniel Hale, Edward Snowden et Reality Winner.

28 mars. Assange reçoit un message personnel de soutien du pape François.

26 juin. L’un des principaux témoins à charge d’Assange, l’ex-activiste islandais Sigurdur Ingi Thordarson, revient sur ses accusations 73. Ce porte-parole autoproclamé de WikiLeaks, qui s’était proposé en 2010 de participer à une récolte de fonds, aurait détourné plus de 50 000 dollars ; puis il a été accusé, entre autres d’escroqueries, de divers délits, dont l’abus sexuel sur mineurs. En mai 2019, c’est Kellen S. Dwyer, adjoint du procureur général William Barr nommé par Donald Trump, qui a proposé à Thordarson l’immunité contre un faux témoignage incriminant Assange.

Edward Snowden tweete : « C’est la fin du procès contre Julian Assange. »

Juillet. L’Équateur révoque formellement la nationalité d’Assange.

11 août. En duplex depuis sa prison, Assange est auditionné dans le cadre de l’appel des États-Unis pour son extradition. Les États-Unis s’attaquent aux évaluations psychologiques pour relativiser le risque de suicide. La justice britannique permet aux États-Unis de faire appel sur le risque de suicide.

27-28 octobre. Audiences en appel, liées à la demande des États-Unis pour l’extradition d’Assange.


Chronologie établie par Olivier Azam à partir des sources croisées et citées en notes.

Merci à Viktor Dedaj pour son suivi, ses alertes, les publications sur Le Grand Soir et les précisions qu’ils nous a apportées à la relecture de cette chronologie.

WikiLeaks a tant révélé d’informations que nous avons dû faire un choix – mais l’ensemble est disponible sur wikileaks.org.

En complément, nous vous invitons à consulter « Julian Assange, une vie », un récit de Delphine Noels avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir – que nous tenons particulièrement à remercier.

Malgré toute notre attention, des erreurs ont pu se glisser dans ce texte mais nous renvoyons nos lecteurs aux sources fournies.

Cette chronologie sera mise à jour, aussi régulièrement que possible, sur le site des Mutins de Pangée (lesmutins.org) – merci de nous écrire à contact@lesmutins.org.


1. Julian Assange et Suelette Dreyfus, Underground, Éditions des Équateurs, 2011. Ces jeunes « pirates » se prennent au jeu du hacking – qui n’est pas encore illégal – et pénètrent régulièrement les réseaux – pas encore protégés – des grandes entreprises, de la Nasa, de l’armée américaine, de la Citibank, etc.
2. « Les Vers contre les tueurs nucléaires – Votre système a été officiellement WANKé ». WANK (Worms Against Nuclear Killers) était le nom du ver informatique. En anglais, « to wank » signifie « branler », et « wanker », « branleur ».
3. Sur la jeunesse de Julian Assange et le « Pearl Harbor électronique », lire Julian Assange et Suelette Dreyfus, Underground, op. cit., p. 191 ; Delphine Noels (avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir), « Julian Assange, une vie », 1er décembre 2020, Belgium4Assange ; et le documentaire d’Alex Gibney, We Steal Secrets : la vérité sur WikiLeaks, Universal pictures, 2013.
4. Soutien toujours actif de WikiLeaks, Daniel Ellsberg témoignera en faveur d’Assange lors des audiences en extradition de 2020 – lire « Journalistes et lanceurs d’alerte au secours de Julian Assange », Jérôme Hourdeaux, Mediapart, 19 septembre 2020.
5. Dans un entretien filmé organisé par le programme TED, Assange explique que l’impact de la publication aurait, selon un rapport des services secrets kényans, influencé au moins 10 % des votes. Voir sur YouTube « Julian Assange : pourquoi le monde a besoin de WikiLeaks », 19 juillet 2010.
6. Ed Pilkington, « Wikileaks publishes 570,000 messages capturing chaos of 9/11 », The Guardian, 25 novembre 2009.
7. « Plus de 500 000 messages du 11 septembre 2001 publiés », Le Monde, 26 novembre 2009.
8. Guillaume Ledit et Olivier Tesquet, Dans la tête de Julian Assange, Actes Sud, 2020.
9. Voir le film We Steal Secrets : la vérité sur WikiLeaks, op cit., p. 193.
10. « Collateral Murder », WikiLeaks, 5 avril 2010.
11. Voir le documentaire d’Étienne Huver et Marina Ladous, Julian Assange, l’homme traqué, Slug News, Arte France, 2019.
12. Citation de Guillaume Ledit et Olivier Tesquet, Dans la tête de Julian Assange, op. cit., p. 204.
13. Philip Shenon, « Wikileaks founder Julian Assange hunted by Pentagon over massive leak », The Daily Beast, 10 juin 2010.
14. Pierre Demoux, « L’Islande, nouveau paradis de l’information », Les Échos, 21 juin 2010.
15. Sur les justifications d’Adrian Lamo (retrouvé mort, de cause inconnue, le 14 mars 2018 dans un appartement du Kansas), voir le film We Steal Secrets : la vérité sur WikiLeaks, op. cit., p. 193.
16. Voir le documentaire de Tim Travers Hawkins, XY Chelsea, Pulse films, 2019.
17. « Les secrets de fabrication des “Carnets de guerre” de WikiLeaks », Libération, 26 juillet 2010.
18. Jason Leopold, « Secret report contradicts US position on Chelsea Manning leaks », BuzzFeed, 20 juin 2017.
19. Glenn Greenwald, « Why won’t the Pentagon help WikiLeaks redact documents? », Salon, 20 août 2010.
20. Le dossier « Dommages humains » est disponible sur Belgium4Assange.
21. Lire également « Qui ne crierait pas lorsque les enjeux sont aussi élevés ? », supra, p. 142.
22. Sur cette section, lire Delphine Noels, « Julian Assange, une vie. Épisode 17 », POUR, 17 décembre 2020 ; « Julian Assange et l’affaire Suédoise. Dépositions et témoignages à la police », Le Grand Soir, 7 décembre 2019 ; Sling Trebuchet, « Déconstruction d’un mensonge médiatique : la Suède et Julian Assange », Le Grand Soir, 3 mars 2020.
23. Cette déclaration est confirmée par un SMS envoyé depuis le commissariat par l’une des plaignantes. Lire Anne-Françoise Hivert, « Les nuits suédoises de Julian Assange », Libération, 27 décembre 2010. Lire également « L’Empire n’en a pas fini avec Julian Assange », supra, p. 38.
24. Selon Daniel Domscheit-Berg, c’est Assange qui l’aurait viré après une houleuse relation dont il donne sa version dans Inside WikiLeaks : dans les coulisses du site Internet le plus dangereux du monde (Grasset, 2011), livre dont les droits ont été vendus à Steven Spielberg, dont la société DreamWorks produira le film réalisé par Bill Condon Le Cinquième Pouvoir (2013), où il tient le beau rôle et Assange celui d’un égocentrique autoritaire.
25. Voir « Conversation avec Julian Assange » (2015) dans le complément du DVD Hacking Justice.
26. Comme on peut le voir dans le film Hacking Justice, Assange a été directement menacé sur des plateaux de télévision ; mais aussi sur Facebook, où Sarah Palin en appelle, le 29 novembre 2010, à « traquer Julian Assange avec la même obstination que lorsque nous avons poursuivi les leaders d’Al-Qaida ou ceux des talibans ».
27. Lire également « Qui ne crierait pas lorsque les enjeux sont aussi élevés ? », supra, p. 142.
28. Rémy Ourdan, « WikiLeaks : Nicolas Sarkozy, l’“Américain” », Le Monde, 30 novembre 2010.
29. Parmi de nombreux exemples, Laurent Joffrin a fait preuve, dans Libération, d’hésitations et de tergiversations symptomatiques – lire Julien Salingue, « La tempête WikiLeaks et la girouette Libération », Acrimed, 15 décembre 2010.
30. Lire « Contre l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis », Challenge Power ; Delphine Noels, « Le procès d’extradition – Une interview de Marc Molitor (2020) – Julian Assange », POUR, 3 janvier 2021.
31. Ewen MacAskill, « Julian Assange like a hi-tech terrorist, says Joe Biden », The Gardian, 19 décembre 2010.
32. Hillary Clinton a déclaré : « Cela aurait été une blague, si cela avait été dit, mais je ne m’en souviens pas. » Madeline Conway, « Clinton: I don’t recall joking about droning Julian Assange », Politico, 10 avril 2016.
33. Ed Vulliamy, « Swiss whistleblower Rudolf Elmer plans to hand over offshore banking secrets of the rich and famous to WikiLeaks », The Guardian, 16 janvier 2011 ; voir le documentaire de David Leloup, A Leak in Paradise, Domino Production, 2016, en VOD sur cinemutins.com.
34. Lire également « Le Monde soutient Julian Assange… », supra, p. 153.
35. David Carr et Ravi Somaiya, « Assange, back in news, never left U.S. radar », The New York Times, 24 juin 2013.
36. Voir le documentaire de Laura Poitras, Risk, Praxis film, 2016.
37. Cité par Delphine Noels, « Julian Assange, une vie. Épisode 26 », POUR, 26 décembre 2020.
38. Lire Julien Lausson, « WikiLeaks remporte un procès contre MasterCard et Visa », Numerama, 13 juillet 2012.
39. Le 26 août 2021, le comité des droits de l’homme de l’ONU a qualifié d’« arbitraires » les procès intentés contre Baltasar Garzón.
40. Lire également « Quelques questions (relativement simples) à la presse au sujet de Julian Assange », supra, p. 132 et « Le Monde soutient Julian Assange comme la corde soutient le pendu », supra, p. 153.
41. Voir le documentaire de Laura Poitras, Citizenfour, Praxis Films, 2014, disponible en VOD sur cinemutins.com.
42. Voir le documentaire de Flore Vasseur, Meeting Snowden, Zadig production, 2017, disponible en VOD sur cinemutins.com. Lire Edward Snowden, Mémoires vives, Seuil, 2019.
43. Simon Blin, « WikiLeaks dévoile les consignes de la CIA à ses agents », Le Figaro, 22 décembre 2014.
44. « WikiLeaks offre 100 000 dollars pour une copie du traité transpacifique », Le Figaro, 4 juin 2015.
45. Lire Benjamin Barthe, « Les “Saudi Cables” révèlent comment Riyad achète l’élite libanaise », Le Monde, 23 juin 2015.
46. Lire Élodie Carcolse, « Julian Assange et Yanis Varoufakis s’attaquent au traité Tafta », Le Journal du Geek, 11 août 2015.
47. Voir le documentaire de Clara López Rubio et Juan Pancorbo, Hacking Justice.
48. Lire Christian Fuchs et Lars Weisbrod,« What has this man done? », Die Zeit, 13 août 2016.
49. Lire Damien Leloup, « Passe d’armes entre Julian Assange et Laura Poitras », Le Monde, 21 juin 2017.
50. Interview de Julian Assange par Amy Goodman, Democracy Now!, 25 juillet 2016.
51. Lire Aaron Maté, « CrowdStrikeOut: Mueller’s own report undercuts its core Russia-meddling claims », RealClearInvestigations, 5 juillet 2019.
52. Voir le documentaire de Laura Poitras, Risk, op. cit., p. 221.
53. Lire Joe Uchill, « WikiLeaks offers $10,000 to get Intercept reporter fired », The Hill, 6 juin 2017.
54. Lire également « Les amis américains… », supra, p. 92. Voir Julian Assange l’homme traqué, op. cit., p. 205 et le reportage d’Étienne Huver et Marina Ladous Global Assange, Slug News, Arte France, 2019.
55. Lire William Audureau, « Ce qu’il faut savoir sur Cambridge Analytica, la société au coeur du scandale Facebook », Le Monde, 22 mars 2018.
56. Lire Jonathan Cook, « Le quotidien The Guardian monte d’un cran ses diffamations contre Julian Assange », Le Grand Soir, 1er décembre 2018. En France, Libération a immédiatement repris le « scoop » du Guardian : « Pour certains observateurs, leur rencontre pourrait constituer le “smoking gun”, la preuve qui manquait à Robert Mueller pour établir une coordination entre la campagne Trump, WikiLeaks et la Russie visant à fragiliser la campagne Clinton au profit du milliardaire. » Tout comme le Guardian, Libération n’a pas rétracté son article et, à notre connaissance, n’a pas non plus publié de correctif. Frédéric Autran, « La preuve d’une collusion entre Trump, WikiLeaks et la Russie ? », Libération, 27 novembre 2018. [nde]
57. Voir Global Assange, op. cit., p. 240.
58. Lire Aaron Maté, « CrowdStrikeOut: Mueller’s own report undercuts its core Russia-meddling claims », art. cit., p. 169.
59. Lire également « Nils Melzer déclare que le traitement de Julian Assange le laisse “sans voix” », supra, p. 72.
60. Lire également « Mettre fin à la torture et à la négligence médicale de Julian Assange », supra, p. 64.
61. Voir la vidéo de Gordon Dimmack, « I received a letter from Julian Assange », mise en ligne le 24 mai 2019 sur sa chaîne YouTube.
62. « Conversation avec Julian Assange » dans le complément de ce DVD.
63. Lire également « Mettre fin à la torture et à la négligence… », supra, p. 64.
64. Lire « UN expert on torture sounds alarm again that Julian Assange’s life may be at risk », sur le site du Haut Commissariat des Nations unies aux droits humains, 1er novembre 2019.
65. Lire Delphine Noels, « Julian Assange, une vie. Épisode 33 », POUR, 2 janvier 2021.
66. Voir le documentaire de Tim Travers Hawkins, XY Chelsea, op. cit., p. 207.
67. Les comptes rendus des audiences par Craig Murray ont été traduits en français par Le Grand Soir. Voir « États-Unis contre Julian Assange : comptes rendus des audiences ».
68. Lire Jérôme Hourdeaux, « Journalistes et lanceurs d’alerte au secours de Julian Assange », Mediapart, 19 septembre 2020.
69. Lire également « Mettre fin à la torture et à la négligence… », supra, p. 64.
70. Lire Elizabeth Vos, « Le pouvoir contre la presse : les cas d’extradition de Pinochet et d’Assange », Les Crises, 26 octobre 2019.
71. Lire « Trump a offert de gracier Assange contre la source de WikiLeaks en 2016 », Challenges (avec Reuters), 18 septembre 2020.
72. Lire « Donald Trump accorde la grâce à l’un de ses anciens conseillers, Steve Bannon, et 72 autres personnalités », Le Monde (avec AP et Reuters), 20 janvier 2021.
73. Lire « Un témoin-clé dans l’affaire Assange admet avoir menti dans l’acte d’accusation », Les Crises, 20 juillet 2021.

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