Au début de cette semaine a débuté la deuxième partie d’une audience d’extradition historique à laquelle Greenpeace est indirectement impliquée.
Il s’agit de l’audience du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, qui, après avoir été torturé pendant des années (1), a été accusé par les États-Unis d' »espionnage » et est actuellement en attente d’extradition du Royaume-Uni vers les États-Unis.
Les « crimes » dont M. Assange est accusé consistent notamment à fournir au public des preuves enregistrées de crimes de guerre commis par les troupes américaines (2), ironiquement le pays même qui demande son extradition. Pour son courage, M. Assange pourrait être condamné à 175 ans de prison, soit à la peine capitale.
Cette tentative de réduire au silence et d’intimider quiconque ose dénoncer les puissants, en particulier par un groupe de gouvernements démocratiques qui sont censés faire respecter la loi, devrait donner des frissons à tous ceux qui sont concernés par l’État de droit, le journalisme et la liberté d’information.
Même si de nombreux partisans ou employés de Greenpeace ne voient pas immédiatement le lien entre le travail de M. Assange et celui de Greenpeace, le lien est clair.
Non seulement M. Assange et WikiLeaks publient depuis des années sur une grande variété de sujets liés à l’environnement, mais lorsque Greenpeace a décidé de consacrer un site web entier aux fuites sur les accords commerciaux (3), c’est probablement WikiLeaks qui les a inspirés.
Après tout, l’équipe de WikiLeaks exposait déjà ce genre de fuites dès septembre 2009 (4).
Il est donc intéressant de noter que sur son site, Greenpeace non seulement fait référence aux publications de WikiLeaks comme une source importante d’information et de vérification, mais affirme également avoir censuré certains des documents publiés afin de protéger ses sources.
Cela est bien sûr parfaitement logique, mais soulève la question suivante : si Greenpeace prend des mesures de précaution pour protéger ses sources, que fait-elle en réalité pour protéger WikiLeaks ou son fondateur, dont le travail de pionnier est clairement fondamental pour leur propre travail ?
Greenpeace, par exemple, a-t-elle déjà mené une campagne publique, ou même publié un article pour attirer l’attention du public sur le fait que Julian Assange pourrit actuellement dans la prison de Belmarsh, le Guantanamo du Royaume-Uni, précisément pour sa contribution aux types de fuites que Greenpeace – et d’autres – ont été si désireux d’utiliser et de publier, et parfois même de présenter comme preuve devant les tribunaux ?
Si ce n’est pas le cas, pourrions-nous convenir que Greenpeace (et d’autres) ont l’obligation morale de défendre ceux dont la vie est détruite pour avoir fourni au reste d’entre nous des informations aussi révélatrices ? N’est-il pas vrai que Greenpeace, en ne soutenant pas ouvertement quelqu’un comme Assange, compromet en fait sa propre cause ?
Car si nous ne pouvons même pas mentionner, et encore moins protéger, l’un des défenseurs de la transparence les plus prolifiques et les plus éloquents de notre temps, combien d’autres journalistes, éditeurs et lanceurs d’alerte seront prêts à s’engager et à fournir ce genre de service à l’avenir ?
Et combien de fuites commerciales, environnementales ou autres pourrons-nous lire et analyser à ce moment-là ?
Heureusement, un nombre croissant de personnes, y compris des organisations internationales, commencent à prendre conscience des dangers bien plus importants qui se cachent derrière cette chasse aux sorcières illégale et manifestement politique de cet éminent journaliste. Elles prennent la parole parce qu’elles comprennent que si Assange est condamné et envoyé à la mort, un précédent sera créé qui pourrait nous entraîner tous encore plus loin dans une spirale de censure engagée par l’État dont nous ne nous remettrons peut-être jamais.
Nous espérons sincèrement que Greenpeace, et tous ceux qui ont profité de son travail pendant plus d’une décennie, auront la décence, la perspicacité et le courage de se joindre à cette coalition croissante et de faire tout leur possible pour utiliser son influence afin non seulement de mobiliser l’opinion publique mais aussi d’aider à sauver la vie et l’héritage d’un pionnier extraordinaire.
Faisons en sorte que le slogan préféré de Greenpeace « Un milliard d’actes de courage » ne soit pas seulement un slogan… mais un mode de vie.
Merci
Athena
10 septembre 2020
Traduction « ah si Wikileaks et Assange touchaient un euro pour chaque service rendu, ils seraient riches » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles