Demain 3 mars, un rassemblement appelant le gouvernement australien à protéger son citoyen, Julian Assange, de l’extradition et des poursuites américaines se tiendra à Sydney, à l’amphithéâtre Martin Place à partir de 14h. Le célèbre journaliste et cinéaste John Pilger, ainsi que le professeur Stuart Rees, défenseur respecté des droits humains, prendront la parole lors du rassemblement.
La manifestation est soutenue par le musicien Roger Waters et par Terry Hicks, père de David Hicks, ancien prisonnier de Guantanamo Bay, les enseignants australiens, Elizabeth Lea Vos, rédactrice en chef de Disobedient Media et Chris Hedges, auteur et journaliste lauréat du prix Pulitzer.
Le dimanche suivant, le 10 mars, un deuxième rassemblement aura lieu à Melbourne sur les marches de State Library à 13 heures.
Julian Assange en est à sa neuvième année de détention déclarée arbitraire par l’ONU, aujourd’hui placé en isolement, avec des problèmes de santé. Il risque d’être extradé vers les États-Unis et poursuivi pour son journalisme s’il sort de l’ambassade de l’Équateur à Londres.
L’organisateur du rassemblement, James Cogan, a décrit la persécution d’Assange comme le ‘fer de lance d’une offensive mondiale contre la liberté d’expression et… la censure des voix d’opposition sur Internet‘. Dans le même ordre d’idées, lorsqu’il était directeur de la CIA, Mike Pompeo s’est engagé à poursuivre, avec ‘une grande vigueur‘, les ‘petits‘ médias dans le sillage de Wikileaks.
Les rassemblements de Sydney et de Melbourne exigeront que le silence et la collaboration du gouvernement australien dans la persécution d’Assange prennent fin. Terry Hicks a dit à propos des rassemblements : ‘Le combat pour gagner la liberté de Julian dépend des gens ordinaires qui s’expriment.’
Des armes contre la démocratie
Alors que l’asile politique de Julian Assange est en jeu, plutôt que de s’exprimer, des gens ordinaires de gauche et du libéral #Resistance™ marchent en bloc derrière l’administration Trump qui mène sa répression contre le journalisme via Wikileaks. Non seulement certains d’entre eux s’alignent, mais ils mènent la charge, des médias ‘libéraux’ comme The Guardian, le chef de file. C’est le rêve de tout autoritaire, note Glenn Greenwald.
Si le Département de la Justice (DoJ) de l’administration Trump réussit à poursuivre Assange, le journalisme lui-même risque d’être criminalisé. C’est ce que disent les juristes de gauche et de droite, de l’avocat principal actuel et ancien du New York Times à l’ancien maire de New York Rudi Giuliani, en passant par le DoJ de Barack Obama.
L’American Civil Liberties Union, le directeur de Human Rights Watch et le Comité pour la protection des journalistes, entre autres, ont également mis en garde contre les conséquences désastreuses pour le journalisme si Assange devait être poursuivi.
Il faut signaler qu’est visée aussi toute critique publique à l’égard de l’Etat, par exemple par des activistes, des blogueurs, des universitaires ou des usagers de médias sociaux, écrit Chris Hedges.
Compte tenu de tout cela, comment les défenseurs de la liberté, tels que les libéraux, les gauchistes et d’autres partisans de l’égalité, ont-ils été entraînés dans une telle croisade transfrontalière et extraterritoriale de censure ? Pourquoi soutiennent-ils l’une des offensives totalitaires les plus conséquentes sous la surveillance de leur ennemi juré, Donald Trump, en habilitant son administration à les faire taire ?
Cet état de fait dépasse même les objectifs de la branche Cyber Contre-espionnage du Département de la Défense américain (DoD), décrits dans un document de 2008, de détruire la ‘confiance’ au ‘centre de gravité’ de Wikileaks. Non seulement la confiance en Wikileaks, qui peut se targuer d’un taux d’exactitude de 100 %, est attaquée, mais cette confiance est usurpée par les agences de renseignement américaines et leur longue histoire de mensonges.
En particulier, pour justifier la persécution d’Assange par la gauche, les partisans de l’offensive doivent prendre au mot les services de renseignements américains, en acceptant leurs ‘évaluations’ selon lesquelles Wikileaks serait en cheville avec Vladimir Poutine et Donald Trump.
Jusqu’à présent, de telles ‘évaluations’ sont tout ce que près de deux années d’enquête de M. Mueller ont permis de rassembler concernant une collusion présumée entre Trump, la Russie et Wikileaks.
Même en incluant le récent témoignage de Michael Cohen sur Roger Stone, qui est le dernier pétard mouillé d’une longue série, aucune preuve de collusion entre la Russie et Trump n’a été trouvée, avec ou sans Wikileaks.
Seymour Hersh, journaliste d’investigation et journaliste de renseignement chevronné, explique qu’au sein de ‘la communauté du renseignement’, le terme ‘évaluation’, et même une évaluation de ‘grande confiance’, signifie en fait qu’ils ne savent pas‘.
De plus, les services de renseignement qui s’attendent à ce que nous les croyions sur parole au sujet des liens entre Wikileaks et la Russie sont les mêmes que ceux qui nous ont menti pendant la guerre en Irak, utilisant de fausses allégations de liens entre Saddam Hussein et Al-Qaida.
En fait, Hersh rappelle que la dernière fois qu’il a été confronté à une ‘évaluation’ de sécurité nationale de ‘grande confiance’, c’était la ‘constatation’ que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive (ADM).
Soyons réalistes, l’État américain de sécurité nationale ment depuis le début au sujet de la torture, de la surveillance massive, de l’espionnage du Congrès, du trafic de cocaïne, des bébés dans les incubateurs, de la guerre du Vietnam et du renversement du gouvernement du Chili. En fait, du renversement d’innombrables gouvernements.
Mais cette fois, ils disent la vérité. Faites-leur confiance. Juré. Peu importe que leur métier soit les opérations clandestines. Ce qui est défini comme une opération qui ‘passe inaperçue’. Une opération, par exemple, pour criminaliser le journalisme et écraser la dissidence qui passe inaperçue sous couvert de ‘défense de la démocratie’.
Non, cette fois c’est différent. Saddam n’avait peut-être pas d’ADM, mais la Russie en a. (Des armes pour s’en prendre à la démocratie, c’est-à-dire). Des annonces dans Facebook. Et des mèmes. Des chiots et des Pokémons. C’est très grave.
Bien sûr, la majorité de ce qui fut diffusé dans les médias sociaux et blâmé pour l’élection de Trump avait été diffusé après l’élection, 90 pour cent n’étaient même pas liés à l’élection, et tout cela ne représentait qu’entre 0,004 et 0,00008 de ce qui a été diffusé pendant la campagne électorale.
Mais Robert Mueller semble prendre tout cela très au sérieux. Et Muller veut faire tomber Trump. Ce type doit donc être réglo.
L’inculpation par M. Mueller de 12 agents des services de renseignement russes (FSB) l’année dernière ressemblait à un document officiel et légal de 29 pages contenant de nombreux détails alléguant que des agents russes avaient ‘piraté les réseaux informatiques du… Comité national démocratique (DNC)’ et remis les documents piratés à ‘Organisation 1’, désormais reconnue comme Wikileak.
Les médias grand public ont certainement traité les actes d’accusation (en fait de simples ‘accusations’) comme des condamnations devant une cour de justice. Ils n’ont même pas ressenti le besoin de rapporter l’évaluation de l’ancien directeur technique de la NSA, William Binney, qui dit que si les courriels du DNC avaient été piratés, selon les mises en accusation de Muller, la NSA le saurait.
La NSA posséderait des enregistrements du piratage, y compris l’origine du piratage, dit Binney, soulignant que ‘si c’était les Russes, la NSA aurait la trace d’un routage vers eux et n’hésiterait pas à se demander qui en était à l’origine‘. En d’autres termes, Mueller n’aurait qu’à demander à la NSA. Pas besoin de toutes ces conjectures et du puzzle chaotique de réunions, d’appels téléphoniques et d »évaluations’ des services de renseignement, qui alimentent un barrage médiatique incessant de bombardements d’informations jour après jour, nuit après nuit.
Can I tell you one thing I've learned about the human species via Russiagate? People really do not get tired of declaring "The walls are closing in" no matter how many times they've said it. https://t.co/T6PSh6mxkk
— Aaron Maté (@aaronjmate) 14 janvier 2019
Le sous-procureur général, cependant, ne s’est pas donné la peine de donner de tels détails lors de sa conférence de presse sur les actes d’accusation contre le FSB, tout comme les médias grand public. Vous pouvez regarder la conférence de presse ici.
Vous pouvez également assister ici à une représentation antérieure de Robert Mueller, qui nous livre un autre message de la part d’agences de renseignement américaines, tout aussi expurgées de toute opinion dissidente. En 2003, M. Mueller a témoigné devant le Congrès en déclarant : ‘Bagdad n’a pas désarmé ses armes de destruction massive, tentant délibérément d’échapper et de tromper la communauté internationale. Nous craignons particulièrement que Saddam Hussein ne fournisse aux terroristes du matériel biologique, chimique ou radiologique.‘
Faites-nous confiance. Nous sommes la CIA.
‘Salut ! Je suis la CIA‘, se moque un mème sur Twitter, retiré depuis, « Vous vous souvenez peut-être de moi dans des films tels que « ADMs en Irak », « Nous ne savons pas comment le cocaïne arrive dans le pays », et « Regardez ! Ce sont les Russes ! » »
Alors qu’il est si facile de résumer ainsi la confiance accordée aux services de renseignements américains, pourquoi quelqu’un qui n’a pas un cas clinique d’amnésie rétrograde pourrait-il croire les services de renseignements sur parole ? Pourquoi ‘de nombreux ‘libéraux’ qui se sont montrés sceptiques à l’égard de la guerre froide… insisteraient maintenant pour que nous acceptions tous ce que la communauté du renseignement américaine nous dit’ ?
Même un enfant comprent la logique de se méfier de quelqu’un qui a menti à plusieurs reprises dans le passé.
Avant de dire ‘Trump Derangement Syndrome‘ [NdT : Trump Derangement syndrome (TDS) est un néologisme décrivant une réaction au président américain Donald Trump par des libéraux, des progressistes et des néoconservateurs anti-Trump, qui répondraient aux déclarations et aux actions politiques de Trump de façon irrationnelle et sans égard aux prises de position ou actions réelles de Trump. Wikipedia] (et j’y reviendrai), rappelez-vous que l’establishment US de la sécurité nationale, avec sa longue histoire de tromperie du public, a réussi à tromper le public sur Julian Assange depuis 2010. Avec suffisamment de succès, comme je l’ai montré dans la deuxième partie, pour que les populations tolèrent l’emprisonnement politique d’Assange pour journalisme, sous la forme d’une détention arbitraire, depuis plus de huit ans.
‘Faites-nous confiance’, disaient-ils en 2010. Wikileaks fait du mal à des innocents. En réalité, « il n’y a pas la moindre preuve que les révélations de [Wikileaks] aient causé du tort à qui que ce soit », écrit la journaliste et auteure Nozomi Hayase. Le vice-président Joe Biden l’a même admis en 2010, affirmant que les révélations de Wikileaks n’avaient causé ‘aucun dégât conséquent ‘ autre que d’avoir été « embarrassants ». La guerre occidentale contre le terrorisme, en revanche, a tué entre 500 000 et 1,3 à 2 millions de personnes depuis le 11 septembre 2001.
‘Faites-nous confiance’ Wikileaks est une organisation terroriste. En réalité, il s’agit d’une organisation médiatique. Ainsi a statué un tribunal britannique en 2017.
‘Faites-nous confiance’, Assange a été accusé de viol. Le fait est qu’aucune accusation n’a jamais été portée contre Julian Assange, et les femmes impliquées dans l’enquête suédoise n’ont pas accusé Assange de viol. Dans des SMS, une des femmes a dit que la police avait ‘inventé‘ les accusations.
Selon une déclaration officielle de l’ancien procureur de district de Stockholm et directeur du parquet régional de Stockholm, l’enquête a été irrégulière du début à la fin. La Suède elle-même a cherché à clore l’enquête, qui n’a toujours été qu’une enquête préliminaire, en 2013, en interrogeant Assange à l’ambassade de l’Équateur. Le Royaume-Uni, cependant, n’était pas d’accord.
‘Mais faites-nous confiance’, Assange se soustrait à la ‘justice britannique’. Pas l’extradition vers les États-Unis. Il est libre de quitter l’ambassade de l’Équateur à tout moment. Pourtant, en 2017, le DoJ américain a accidentellement révélé qu’un acte d’accusation scellé contenant des charges secrètes attend effectivement Julian Assange aux États-Unis, confirmant ce que Wikileaks dit depuis des années.
‘Mais faites-nous confiance. CETTE fois. Maintenant, nous disons la vérité. Promis, juré. Assange est un agent russe. Et un apologiste de Poutine. Et le larbin de Donald Trump. Et une marionnette du Kremlin.
Donald Trump est entièrement la faute de Julian Assange. C’est la vérité.
Ne laissez personne vous dire que l’élection de Trump n’a rien à voir avec la paupérisation massive causée par des décennies de néolibéralisme. Non. Pas du tout. La misère rampante, sans fin, ne joue aucun rôle dans la montée de la démagogie. Pas le moins du monde. Elle ne crée pas non plus de désillusion de masse à l’égard des classes politiques dominantes.
Non. L’élection de Trump est un coup des Russes. Avec l’aide de Julian Assange.
Parce qu’une classe ouvrière abandonnée par l’establishment politique, de gauche et de droite, n’avait rien à voir avec la capacité de Trump de surfer jusqu’à la Maison Blanche sur la crête d’une vague de promesses creuses faites aux travailleurs.
Ni la rage des familles américaines à envoyer leurs proches à la guerre et à les voir revenir morts, blessés ou traumatisés, puis abandonnés par l’État. Il suffit d’ignorer ce document académique constatant que les guerres de Bush-Obama ont coûté la Maison-Blanche à Hilary Clinton.
Les auteurs de ce document, des universitaires qui ont manifestement trop de temps libre, se sont mis dans la tête l’idée d’un « écart entre les victimes’, c’est-à-dire un fossé qui se serait creusé entre les communautés dont les jeunes meurent d’envie d’aller défendre leur pays et les communautés dont les jeunes ne le sont pas. »
Tu parles.
Les chercheurs pensent que la ‘relation significative entre le taux de sacrifice militaire d’une communauté et son soutien à Trump’ et donc que le coût humain de la guerre aurait quelque chose à voir avec quoi que ce soit.
Des conneries.
« Si la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin avaient subi un taux de pertes même légèrement plus faible, tous les trois auraient pu basculer de Républicain à Démocrate et envoyer Hillary Clinton à la Maison Blanche », disent-ils.
Ce qui est évidemment de la désinformation russe. Nous allons mettre ces universitaires sur la liste noire et les dénigrer en tant qu’agents russes. Là, toute suite.
L’élection de Trump n’avait également rien à voir avec la stratégie démocrate du ‘joueur de flûte‘ pour faire monter Donald Trump pendant la campagne électorale de 2016. Ils n’ont pas non plus avoué avoir le droit de truquer les primaires et de s’en prendre à Bernie Sanders, qui avait les meilleures chances de battre Trump.
Ni les 2 milliards de dollars de couverture médiatique gratuite accordés à Trump par nos fidèles amis, les médias privés. (Ce qui à lui seul représentait plus d’argent, soit dit en passant, que le coût total des campagnes électorales américaines les plus coûteuses de l’histoire).
Non, rien de tout cela n’a joué un rôle dans l’élection de Trump. Absolument pas. C’est la faute à Assange. Avec la Russie. Et peut-être un peu à Jill Stein. [candidate « Vert » – NdT])
Continuez à vous raconter des histoires.
Alors vous pourrez dormir la nuit quand nous arrêterons Assange et le ramènerons aux États-Unis, enchaîné. Rien ne rongera votre conscience quand on l’enfermera et jettera la clé. Pour du journalisme. Du journalisme factuel. On déteste ça.
En plus, il faut bien que quelqu’un paye pour l’élection de Trump, alors autant que ce soit Julian Assange. Les agences de renseignement sont de votre côté. Vraiment. Ils sont pratiquement devenus des progressistes de nos jours. Et nous, les progressistes, nous devons nous serrer les coudes. Contre Trump.
Bien sûr, nous avons une longue histoire de soutien aux dictateurs fascistes d’extrême droite et aux escadrons de la mort partout dans le monde. Mais nous avons vu la lumière maintenant. C’est vrai. Juste à temps pour faire tomber Trump. Quelle heureuse coïncidence.
Tout ce que vous avez à faire, c’est nous faire confiance et oublier toutes ces autres explications pour les élections de 2016. Si vous blâmez Julian Assange pour tout, cela vous donne un punching-ball facile pour défouler toute votre rage contre le système qui a produit Donald Trump.
C’est beaucoup plus facile que de faire face aux vérités dérangeants qui se cachent derrière les élections de 2016. Comme, par exemple, que ton gouvernement ne t’aime pas tant que ça. Comme l’a dit un jour un sage. Il t’a quitté pour les ploutocrates, il y a des années. La promesse de la démocratie américaine était agréable tant qu’elle a duré, mais c’est une corporatocratie maintenant. Même une étude de Princeton le dit.
Plutôt que de digérer cette réalité qui donne à réfléchir, blâmer Assange, c’est comme blâmer l’ami qui vous a montré les lettres que votre conjoint a écrites à son amant milliardaire, dans votre dos, planifiant ensemble leurs retraites de luxe, en vous laissant pour mort.
C’est trop moche à croire. C’est plus facile de blâmer l’ami. Tirez sur le messager. En tant que stratégie d’adaptation, elle permet d’éviter les réalités douloureuses. Au moins pendant un temps.
Alors allez-y, continuez à le blâmer. Nous l’emmènerons en votre nom. Pour avoir fait gagner Donald Trump. Tout ce que nous avons besoin, c’est que vous restiez tranquille. Calmes, tranquilles. Pas un bruit. Pendant qu’on l’encercle. Laissez-nous nous occuper de tout.
Quoi que vous fassiez, ne signez aucune pétition et n’assistez à aucun rassemblement. Surtout n’assistez pas aux rassemblements ce week-end ou le week-end prochain si vous habitez à Sydney ou Melbourne.
Assurez-vous de rester à la maison le dimanche 3 mars à 14h. N’allez pas, nous le répétons, n’allez pas écouter le journaliste et cinéaste John Pilger, ou le professeur Stuart Rees, parler à l’amphithéâtre Martin Place ce dimanche.
Nos amis du Guardian ont gentiment cessé de publier les articles de John Pilger, Dieu merci. Il dit toutes sortes de vérités crues sur la guerre. Pas convenables. Nous ne voudrions donc pas que vous réalisiez que vous pouvez vous rendre à Martin Place dimanche pour l’entendre.
Parce que vos esprits sont déjà remplis de trop de vérité. Grâce en partie à Julian Assange. La vérité est désordonnée et difficile à cerner. Vous n’avez pas le temps pour ça. Nous allons tout pré-digérer pour vous et vous dire quoi penser.
Nous avons juste besoin de fermer Wikileaks d’abord, et de prendre le contrôle d’une chose embêtante et indisciplinée connue sous le nom de ‘l’Internet’. C’est plein de prétentieux scandaleux qui pensent qu’ils peuvent continuer à répandre des faits et des opinions. Tous seuls, comme des grands. Sans notre accord préalable.
Nous avons pris tant de peine à infiltrer les médias avec le personnel de la CIA en tant qu »experts’ (p. ex. les anciens dirigeants de la CIA John Brennan à MSNBSC et Michael Hayden à CNN, et l’ancien directeur du renseignement national James Clapper à CNN, plus environ 11 autres sur CNN, NBC et CBS. Un sacré coup d’état médiatique du renseignement.)
Et nous avons un sous-traitant de la CIA qui est aussi membre du conseil d’administration du Pentagone à la tête du Washington Post. Qu’est-ce que vous en dites ? C’est aussi l’un des hommes les plus riches de l’histoire. Pas le genre à secouer les cocotiers capitalistes prédateurs, celui-là.
Sans parler des nombreux journalistes obéissants et des plateformes de médias sociaux prêts à s’aligner pour s’assurer que la ‘vérité’ est exactement ce que nous voulons qu’elle soit. Comme l’Alliance for Securing Democracy et son Hamilton 68 Dashboard, l’Integrity Initiative de l’Institute for Statecraft (qui est britannique, mais nous avons uni nos forces), PropOrNot, le Digital Forensics Lab, une ‘fusion de la Silicon Valley et de la sécurité nationale’ et NewsGuard.
Je veux dire, nous voici avec toute cette infiltration des médias, et puis un tas de nuls, avec rien d’autre qu’un ordinateur portable (et pour certains d’entre eux, avec des carrières journalistiques illustres et primées, des postes universitaires de haut niveau ou des expériences en diplomatie, en renseignement et en politique), qui peuvent simplement se connecter et faire des commentaires sur lesquels nous n’avons aucun contrôle.
Et on s’attend à ce que nous le supportions. C’est grotesque. Comment pouvons-nous exécuter une ‘communication stratégique’ dans ce genre d’environnement intellectuellement ouvert et libre ? Impossible.
Il était une fois où il fallait être un multi-millionnaire pour avoir une plateforme publique. Ça nous plaisait. Mais Wikileaks est arrivé avec son modèle d’information partagée. L’auteur Nazomi Hayase l’appelle la ‘Démocratisation de la connaissance‘. Et nous, nous n’avons jamais aimé partager quoi que ce soit.
Rappelez-vous ce que nous avons fait à tous ces mouvements de peuples indigènes à l’esprit communautaire à l’époque, après la Seconde Guerre mondiale. Ces gens ordinaires des nations colonisées, en quête d’autodétermination et de justice sociale.
Et tous ces paysans et travailleurs comme au Vietnam et en Corée qui pensaient pouvoir créer leur propre communauté politique et se gouverner eux-mêmes. A l’instar de tous ces nuls sur Internet qui pensent qu’ils peuvent créer leur propre communauté médiatique et s’informer.
Nous les avons tous accusé d’être des menaces contre la démocratie soutenues par la Russie (ça marche à tous les coups) et nous les avons écrasés. Massacrés dans leurs villages où ils dormaient et vivaient. Brûlés vifs par millions avec du napalm. Mené des guerres sales contre leur pays, basées sur des mensonges.
Puis nous avons enterré l’histoire, du mieux que nous avons pu. Lorsque les documents sur la guerre de Corée ont été déclassifiés et que le professeur Bruce Cumings a écrit à leur sujet, tout le monde était déjà passé à autre chose. De plus, le récit officiel était si bien établi que l’histoire enterrée n’avait aucune chance. C’était vieux et moisi et tout le monde s’en fichait.
Bien sûr, Daniel Elsberg, le dénonciateur des Pentagone Papers, s’est mêlé de tout cela quand il s’est agi du Vietnam. Nous détestons les dénonciateurs. Ce qui est une autre raison de poursuivre Wikileaks. Ils protègent les dénonciateurs des représailles. Ce qui est très frustrant pour nous.
On a essayé de jeter Elsberg en taule, comme on essaie avec Assange, sans succès. Mais cette fois, nous avons pavé la voie psychologique avec Russiagate et une campagne de diffamation de 10 ans. Alors nous pensons avoir une chance.
Le fait est que nous allons écraser ces mouvements médiatiques indépendants comme nous avons écrasé ces mouvements populaires à l’époque, en nous cachant derrière un écran de fumée russophobe. C’est ce qu’on appelle la contre-insurrection. C’est ce que faisons depuis des décennies.
C’est la guerre. Ne vous y trompez pas. C’est la guerre de l’information, contre les ‘rébellions de l’information’ sur le ‘champ de bataille’ de l’Internet, comme on l’a récemment entendu devant une commission judiciaire du Sénat.
L’un de nos derniers déploiements dans cette guerre est un petit outil pratique, d’apparence inoffensive, d’écrasement de l’information appelé ‘NewsGuard‘. C’est comme une ceinture de chasteté, mais pour le journalisme. Tous les sites Web qui s’écartent de nos récits approuvés sont classés ‘rouge’, pour les tenir à l’écart. Comme Wikileaks. (Même si NewsGuard admet le record de précision de Wikileaks de 100 pour cent. Mais peu importe.)
La meilleure partie est que nous sommes en négociations pour imposer NewsGuard à tout le monde pour toutes leurs recherches sur Internet. Même quand ils utilisent Facebook et Twitter. Surtout quand ils utilisent Facebook et Twitter. Il y a beaucoup trop d’échanges d’informations au sein de la communauté.
En fait, nous travaillons en partenariat avec Microsoft, qui intègre NewsGuard dans ses produits, que cela plaise ou non au public. Et nous travaillons avec l’UE pour déployer NewsGuard dans toute l’Europe. C’est terriblement excitant. Nous empêcherons les gens de lire ce qu’ils veulent lire et nous leur ferons avaler notre version de la réalité. Attendez et vous verrez.
Et une fois que nous aurons criminalisé le journalisme via Julian Assange, tous les sites de médias indépendants que nous ne pouvons pas faire tomber avec NewsGuard, nous les aurons par des voies juridiques. Vous pouvez compter là-dessus. Tout comme Mike Pompeo l’a dit lorsqu’il était directeur de la CIA, après Wikileaks, nous allons ‘poursuivre avec beaucoup d’énergie’ les ‘petits‘ médias. On ne peut pas attendre. Ca ne fait que commencer.
Le fait est que nous avons besoin de votre aide. Nous avons besoin que vous détestiez Julian Assange, ou du moins que vous vous moquiez de ce qui lui arrive, afin que (a) vous ne nous blâmiez pas pour tout le gigantesque gâchis de l’élection de Trump et de l’empire capitaliste/américain qui implose, et (b) nous puissions faire taire quiconque comme Assange nous critique. Plus (c) nous puissions nous en tirer avec plus de trucs impériales ploutocratiques, comme la guerre, le crime et la corruption dans les entreprises d’État et tout ce genre de choses.
C’est une opération psychologique pure jus. Comme le dit ce manuel Psyops publié par les chefs d’état-major interarmées, ‘un adversaire est plus affaibli par des désertions que par un massacre’.
Alors faites-nous confiance. Assange est le diable. Ou du moins il est de connivence avec le diable. Ou peut-être juste le Kremlin. C’est au minimum un service de renseignement hostile non étatique. Et ABC l’a qualifiée ‘la P*** de Poutine’. Ca doit donc être vrai.
Est-ce que nous vous mentirions ?’
Avertissement : Ce dialogue est fictif. Il ne prétend pas représenter les déclarations réelles d’un individu.
[…]
Dr Lissa Johnson
Traduction « moi aussi je suis tombé dans leur panneau » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles